- Résidence 2015
La pratique de Yael Davids, entre installation et performance, s’élabore à l’intersection des champs personnels et politiques. Pivot de sa pratique artistique, le corps est conçu comme un espace d’accueil et d’activation de convergences et des conflits qui la constituent en partie. Tel un canal documentaire, il enregistre le présent et porte les stigmates de l’histoire. Il est une source de connaissance et un espace dynamique de réécriture.
Traitant du potentiel narratif inhérent à l’acte de documentation, le travail de Yael Davids s’attache également à l’acte de répétition. Avec une économie de gestes et un intérêt constant pour la notion de performance, ses installations tentent de donner forme à la mémoire de l’éphémère, à la présence passagère. Elles croisent l’histoire politique conflictuelle d’une nation en devenir et sa biographie personnelle, marquée par la perte et l’expérience du deuil, pour proposer une confrontation entre présence et absence.
Son travail se concentre par ailleurs sur le caractère ambigu du statut des objets et des lieux et de la manière dont cette ambiguïté produit du sens.
Pour sa résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers, l’artiste a développé un projet lui permettant d’aborder l’histoire du judaïsme, des utopies dont elle est porteuse, de ses paradoxes et oblitérations. Son travail de recherche s’est déployé via notamment la mise en place de modules participatifs sous forme d’ateliers. Ce furent, d’une part, des séances de Feldenkrais au cours desquelles Yael Davids a proposé à des habitantes d’Aubervilliers des cours gratuits pour retrouver équilibre, flexibilité et coordination du corps en développant la conscience de leurs propres mouvements. D’autre part, furent organisés des ateliers de lecture autour de textes révélant les récits d’exil, d’espaces et d’identité d’auteurs choisis pour leur relation particulière à la culture juive et à leur manière d’interroger dans leurs écrits cette appartenance. Des textes d’Helène Cixous, Edouard Glissant, Georges Perec ou encore la correspondance entre Walter Benjamin et Gershom Scholem ont ainsi constitué une partie des matériaux de travail de ces ateliers.
« Imagine ce mouvement descendant d’une racine – creusant, proliférant, éliminant ce qui vient sur son chemin. Je pense à cette racine là – devenant plurielle, se ramifiant, se fendant, s’ancrant, devenant une fondation, visant un seul corps. Une tige. Fixe et refusant de bouger. Je revisite l’idée que je me fais de la racine à l’aune du concept de réduction, violation, insistance et permanence. Emigrée. Dans une recherche permanente du pays contenant la source de moi-même. Comment pourrais-je imaginer devenir une à nouveau ? Fusionnée à nouveau dans les racines ? Comment pourrais-je imaginer ce mouvement de retour aux racines qui puisse être un mouvement sans destruction, sans violation ? »
Yael Davids, Reading that Writes - a Physical Act, script d’une performance.
Avec le soutien du programme de résidences de l'Institut Français et de la Ville de Paris aux Récollets et du Mondriaan Fonds.