DISAPPEAR ONE
un film de Silvia Maglioni et Graeme Thomson
(HDV, mp4 et Super 8, 5.1 surround, 117’, 2015)
présenté et projeté dans le cadre du Printemps des Laboratoires #4
au cinéma Le Studio à Aubervilliers
(2 rue Edouard Poisson à Aubervilliers)
Jeudi 2 juin 2016, à 20h
La projection sera suivie d'une conversation.
Disappear One, Graeme Thomson & Silvia Maglioni, 2015 (film still)
À Lisbonne, Le Théâtre de la Nature d’Oklahoma recrute des acteurs à la veille d’un voyage transatlantique, affirmant qu’il peut employer tout le monde. Mais les motivations de cette traversée restent mystérieuses.
Quelles sont les relations entre le Théâtre et le bateau, avec son régime de contrôle, de travail et de divertissement ? Et que cherchent à nous dire les signes qui émergent des gestes, des rêves, des ondes radio, des cartes, des vagues, des hallucinations ? Dans le sillage de Projet pour un film de Kafka de Félix Guattari et en hommage à L’Amérique (ou Le disparu) de Kafka, Disappear One propose une série de variations autour du roman inachevé dans le contexte d'un naufrage imminent, en déplaçant la trajectoire du voyage vers le Brésil, dans les profondeurs de l’Atlantique Sud.
Disappear One - dossier de presse
Avec la participation de : La Compagnie Théâtrale UEINZZ, Presque Ruines, Mollecular Organization
Image : Graeme Thomson
Images supplémentaires : Silvia Maglioni
Son : Olivier Apprill, Silvia Maglioni, Graeme Thomson
Scénario : Graeme Thomson, Silvia Maglioni, Violeta Salvatierra,
Olivier Apprill, Carla Bottiglieri, Brent Waterhouse
Montage : Silvia Maglioni, Graeme Thomson
Musique et traitements sonores : Graeme Thomson
Mix son : Thierry Delor (Auditorium Le Fresnoy)
Production : Olivier Marboeuf, Spectre Productions
Co-production : Le Fresnoy Studio national d’arts contemporains, terminal beach
Disappear One, Graeme Thomson & Silvia Maglioni, 2015 (film still)
La Compagnie de Théâtre UEINZZ
Tout est comme ça dans la vie aussi bien que sur scène. Le spectateur ne peut jamais savoir si un geste ou une parole vont avoir un dénouement, s’ils vont être interrompus par une contingence quelconque, et chaque minute finit par être vécue comme un miracle. Un mélange de précarité et de scintillation, de défaillance et d’éclat, n’est- ce pas ce que le théâtre recherche, en fin de compte ?
Il y a dans ce qu’on appelle ‘folie’ une charge de souffrance et de douleurs, sans aucun doute, mais également une lutte vitale et viscérale, où entrent en jeu les questions les plus primordiales de la vie et de la mort, de la raison et de la déraison, du corps et des passions, de la voix et du silence, de l’humeur et de l’existence. Or, depuis les Grecs, l’art est toujours venu boire à cette source, et surtout l’art contemporain, qui essaie de relever le défi de représenter le non représentable, de faire voir l’ invisible, de dire l’indicible, de faire entendre l’inaudible, de vivre l’invivable, de faire face à l’intolérable et de donner une ex- pression à l’informe ou au chaotique. Il faut se souvenir de ce que disait Lyotard – l’art contemporain aurait suivi la piste du sublime kantien, dans son caractère d’inachèvement ou d’incommensurabilité...
Notre théâre est fait de ceci : inachèvement et incommensurabilité. Mais ce n’est pas tout. En résonance avec l’esthétique contemporaine, il est également fragmentaire et rhizomatique, métastable, non narratif, non représentationnel : dimension contemporaine de la schizoscénie. De toutes façons, dans cette rencontre entre la scène et la folie, à travers la métamorphose magico-poétique qui est propre au théâtre, l’impalpable gagne de la consistance, le lourd devient léger, le plus discordant trouve sa place et peut même inaugurer un monde – peut-être parce que le théâtre offre un champ d’aimantation privilégié pour ce qui nous vient de l’univers de la psychose.
[...] C’est dans cet horizon, à mon avis, qu’il faudrait situer l’expérience de théâtre dont je vous ai parlé brièvement, dans cette région intermédiaire entre l’art et le travail immatériel où ce qui est en jeu et sur scène c’est la vie elle même. C’est la subjectivité qui est ici appelée à travailler. Ce qui est en scène est une manière de percevoir, de sentir, de s’habiller, de se déplacer, de parler, de penser, mais aussi une manière de jouer un rôle et de s’en jouer, d’associer en dissociant, d’être sur scène et en même temps chez soi, dans cette présence à la fois précaire et de plomb, impalpable, qui prend tout extrêmement au sérieux et en même temps « s’en fiche complètement », partir au milieu du spectacle en traversant la scène, le sac à dos à la main – après tout, pourquoi rester jusqu’à la fin, si on a déjà fait sa part ? – ou bien laisser tout tomber parce que son heure est venue et qu’on va mourir d’ici peu, ou intervenir dans toutes les scènes de manière imprévue et obliger ainsi les autres acteurs à improviser, ou encore discuter avec le souffleur qui n’est pas censé être présent, ou bien alors devenir crapaud... Ou grogner ou coasser, ou comme les nomades dans La Muraille de Chine, parler comme des choucas, ou tout simplement dire UEINZZ... Le chanteur qui ne chante pas, presque comme Joséphine de Kafka, la danseuse qui ne danse pas, l’acteur qui ne joue pas, le héros qui s’évanouit... Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est tout ceci qui fait que tant de gens pleurent au milieu des éclats de rire, car le spectateur, face au scénario labyrinthique ou intergalactique qu’on lui offre, ne se demande pas « que s’est-il passé ? » ni « qu’est-il arrivé à ce personnage ? » (d’ailleurs, on n’en sait rien), mais bien plutôt « que m’est-il arrivé à moi ?
Peter Pal Pelbart - Revue Chimères
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Ce projet a été sélectionné par la commission mécénat de la Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques qui lui a apporté son soutien.
La projection organisée le 2 juin est réalisée en partenariat avec Spectre Productions.