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Atelier de lecture "Psychotropification de la société" #8
Jeudi 4 février 2016, 16h18h



Cette année, Les Laboratoires d’Aubervilliers reconduisent les ateliers de lecture qui, tous les quinze jours, proposent de mener collectivement recherches et réflexions autour d’une problématique spécifique abordée depuis différentes disciplines (l’art, les sciences humaines, la politique). Ces ateliers participent à la construction du « Printemps des Laboratoires », programmation qui se décline tout au long de l’année via des workshops, tables rondes, projections jusqu’à l’avènement d’un moment public intense. Ce rendez-vous public, qui aura lieu les 4 et 5 juin 2016, en constitue la mise en perspective finale à une échelle internationale. Cette programmation est articulée chaque année autour d’une notion spécifique ; cette année il s’agit de « La psychotropification de la société ».

Cette expression, associant les termes « psychopharmacie » et « tropisme », désigne le mouvement exponentiel de prescriptions et de consommation de médicaments dans le cadre du traitement des troubles mentaux et psychologiques. En pointant ce « tropisme » notre intention est de démontrer que derrière la normalisation de ces prescriptions s’érige une  idéologie fascisante qui infiltre et dirige les sociétés occidentales, davantage préoccupées par la liberté d’action à conférer à l’industrie pharmaceutique qu’aux individus qui les composent.

Pour mener à bien cette réflexion collective qui traitera des effets de normalisation sous-tendus derrière le phénomène décrit, de l’état de la psychiatrie actuelle et de la place accordée à la maladie et à la folie dans notre société, nous vous proposons de nous réunir, un jeudi sur deux, à partir du 22 octobre, de 16h à 18h. Un ou plusieurs textes sont proposés et/ou choisi à chaque atelier pour le suivant.


Atelier # 8


A l'occasion du prochain atelier de lecture, jeudi 4 février, nous proposons d'échanger autour du texte de Tim Ingold, Une brève histoire des lignes (Éditions Zones Sensibles, Belgique) en nous attachant plus particulièrement au chapitre 3 : « Connecter, traverser, longer ». Le texte original fut publié  en 2007, sous le titre Lines: A Brief History (Éditions du Routledge, UK).

Tim Ingold est un anthropologue anglais contemporain (né en 1948) dont les méthodes hors normes, aux frontières de la phénoménologie, des sciences de la nature et des arts, sont autant de manières d’explorer notre environnement. Il pratique l’anthropologie selon les méthodes du métier à tisser.

Auprès d’autres (Latour, Descola, Viveiros de Castro) son anthropologie, formulée à l’ère de l’anthropocène, abolit le dualisme nature/culture, et avec lui son cortège d’oppositions entre humain et non-humain, sujet et objet, individu et société, acquis et inné, forme et matière. Cette opposition nature-culture est remplacée par la synergie dynamique de l’organisme et de l’environnement. Pour renouer avec le processus de la vie elle-même, l’écologie qu’il énonce restitue la perception animique du monde en plaçant la relation au centre de l’être dont elle est constitutive. Soit, une écologie du sensible, du geste, de l’habileté.

« Nous ne vivons pas dans un certain environnement, nous sommes un ensemble de relations qui nous constituent en même temps qu’elles constituent notre environnement. L’environnement n’est plus simplement ce qui entoure l’organisme mais un domaine d’enchevêtrement. C’est à l’intérieur d’un tel d’enchevêtrement de trajectoires entrelacées que les êtres se développent et poussent le long des lignes de leurs relations. Cet enchevêtrement est la texture du monde. »

À l’instar de Deligny, Ingold fait l’éloge d’une marche sans dessein. A l’inverse du touriste qui se déplace de points en points, refusant l'expérience des trajectoires tracées, il nous faut redevenir un voyageur itinérant, un chasseur-cueilleur évoluant au gré des traces que nous découvrons sur notre chemin.

Etayant son texte par de nombreux exemples (des pistes chantées des Aborigènes australiens aux routes romaines, de la calligraphie chinoise à l’alphabet imprimé, des tissus amérindiens à l’architecture contemporaine), Ingold analyse la production et l’existence des lignes dans l’activité humaine quotidienne. 

« Comme l’araignée, comme les peuples des contrées enneigées, nous faisons notre environnement (physique et mental, individuel et collectif) au fil des sentiers que nous y frayons, selon les lignes d’inspirations que nos différents médias tracent constamment en nous. »

Le monde ne peut être perçu que si l’on s’engage dans ses activités. Pour cela il nous faut retrouver du geste (c’est du geste même, intransitif, que nous tirons la plus grande gratification de nos activités) pour tracer des lignes, repriser les fils dans un mouvement continu, à rebours des dynamiques de fragmentation et de détachement engagées par la modernité, redonner de la longueur, du mou, de la dérive, contre les lignes droites, ces raccourcis qu’elle a érigés.

Ingold insiste encore et avec brio sur le fait qu’habiter n’est pas occuper et qu’il nous faut penser l’interpénétration permanente, auquel cas nous demeurons des « ex-habitants ».

 


Pour consulter un résumé des ateliers précédents ainsi que des textes ayant été précédemment étudiés, vous pouvez vous reportez à la synthèse des Ateliers de lecture / Psychotropification de la Société.




Les textes sont décidés par le groupe et lus en amont de chaque atelier. Ces ateliers sont gratuits et ouverts à tous, ils ont lieu le jeudi tous les quinze jours de 16h à 18h sur inscription.
Pour obtenir les textes étudiés, les compte-rendus de session, ou vous inscrire, contactez Pierre Simon: p.simon@leslaboratoires.org


Dates: les jeudi 22 octobre, 5 et 19 novembre, 3 et 17 décembre, 7 et 21 janvier, 4 et 18 février, 10 et 24 mars, 7 avril (de 16h à 18h).