« Prostitution : travail, stigmatisation et salut. Des collectifs de travailleurs du sexe contre les pratiques policières »
Le pastoralisme gouvernemental s’exhibe avec éclat lorsqu’il peut masquer ses pratiques policières sous la rhétorique du salut. On sait depuis longtemps que susciter la plainte, constituer des identités à partir d’un statut de victime, est au cœur de ce que l’on nommait jadis l’Etat social. Certains ont appelé ceci une « politique de la plainte ».
Pourtant, il n’est pas difficile de considérer que la prohibition des pratiques prostitutionnelles ne peut que conduire à davantage de précarité et de vulnérabilité, à une plus grande exposition aux violences (dont les violences policières) de celles et ceux qui les exercent. Par ailleurs, la pénalisation des « usagers », nous disent des travailleurs de sexe, est la très fausse bonne solution qui ne fait que produire les mêmes effets : conduire à une logique de clandestinité.
Nous retrouvons ici le « cas » caractéristique de la prohibition des usages de drogues : « c’est pour votre bien », affirment politiciens, flics, juges et soignants (ils sont de plus en plus nombreux cependant à en douter)…, alors même que l’on rend plus précaires, plus risqués, moins éclairés les usages de drogues en favorisant aussi des modes de sociabilité parfois catastrophiques.
Or ce « bien » correspond à une logique de minorisation, de pathologisation et, au bout, de criminalisation, des travailleurs du sexe comme des usagers de drogues. Cela correspond aussi à un certain effroi lorsqu’il faut penser d’autres rapports au corps. Comme le disait un travailleur du sexe : tout le monde n’es pas fait pour la prostitution mais certain(e)s l’expérimentent comme une activité parfaitement intégrable dans leur vie. Donnons donc des droits à l’exercice du travail du sexe et on donnera alors à celles et ceux qui l’exercent une véritable protection (une prostituée disait avec humour : en ayant aussi, par exemple, le droit à une reconversion professionnelle). Par ailleurs, n’existe-t-il en Nouvelle Zélande des maisons closes autogérées sous des régimes coopératifs ?
De la même façon laissons ouverte la possibilité de consommer des drogues d’une façon éclairée, en permettant l’information, la circulation et le partage d’expériences entre pairs. Et la prise de risques diminuera. Prendre soin suppose ici, plus que jamais, prendre soin des conditions sociales, donc collectives, d’une pratique.
Lors de cette rencontre nous invitons Thierry Schaffauser du STRASS, syndicat de travailleurs du sexe, Maxime Maes, fondateur du collectif UTSOPI d’entraide de travailleurs du sexe bruxellois et une représentante du collectif Rose d’acier qui regroupe des travailleuses du sexe majoritairement d’origine chinoise. Nous compterons aussi avec la présence de Fabrice Olivet de l’association ASUD (auto-support d’usagers de drogues).
Ils mènent tous un combat contre la prohibition indissociable du partage de ces expériences singulières qui ont trait aux limites de ce qui est institué comme normalité dans les rapports à notre corps et les échanges entre les corps, leurs affects et perceptions.
photo : Xavier Ribas, Habitus n°10.2, 2007