• Résidence 2014-2015
  • symposium



La diaspora des Objets
Un symposium en forme de conte
samedi 16 mai de 14h30 à 19h

En conclusion de son exposition aux Laboratoires d’Aubervilliers, « La distance entre V et W », Yael Davids imagine un symposium en forme de conte - La diaspora des objets - qui développe, en présence du public et de ses invitées, les enjeux de distanciation, d’enracinement et de production de frontières qui sont au cœur de son projet de recherche aux Laboratoires.
Tandis que l’artiste conçoit d’ordinaire ses installations dans la perspective de les activer lors de performances, elle a choisi a contrario d’évacuer son corps et ses mots de l’espace même de son exposition aux Laboratoires. Ce symposium, qui s’articule autour de récits d’objets singuliers, s’annonce alors comme une nouvelle forme d’incarnation de son projet.
 
Ici les « objets » sont à saisir selon une large acception : biens personnels chargés d’affects, images porteuses d’une histoire qui reste à écrire, pierres d’une architecture reconfigurée au gré de ses locataires, terre d’accueil d’un projet idéologique… Il s’agit durant une après-midi entière de réfléchir aux mouvements subis par des biens domestiques ou culturels, en proie à des déplacements temporels et géographiques. Autant de « choses à soi » qui, tour à tour ignorées, confisquées ou scellées, détruites ou redistribuées, témoignent à leur manière d’une histoire intime et/ou politique. Car derrière ces objets, ce sont des destins croisés de personnes anonymes et publiques que les intervenants mettent en lumière. C’est à l’intersection de la petite et de la grande histoire et en particulier à l’aune du conflit israélo-palestinien, que ces notions de déplacement, de spoliation et de réappropriation sont convoquées et étudiées.

Avec : Yael Davids (artiste), Yasmine Eid-Sabbagh (artiste), Irit Rogoff (professeur d'art visuel, théoricienne, et curatrice) et Malkit Shoshan (architecte, et chercheuse). Modération Mathilde Villeneuve (co-directrice des Laboratoires d’Aubervilliers).



Interventions
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Adoptant une approche auto-réflexive sur son travail, via des récits et des activations d’objets, Yael Davids renoue avec la pensée d’un art comme opération de détachement et de deuil, cher à sa pratique. Les « objets trouvés » qu’elle sollicite sont autant issus de son installation présentée aux Laboratoires d’Aubervilliers que d’héritages familiaux et culturels (l’histoire des legs successifs des manuscrits de Franz Kafka, ainsi que de l’Angelus Novus de Paul Klee dont Walter Benjamin fut le premier acquéreur, ou encore le rapport fusionnel que ce dernier entretenait avec ses livres et sa bibliothèque), pour penser à travers une pluralité de voix la notion d’artefact.
 
Dans une précédente conférence, Exhausted Geography, Irit Rogoff désignait la géographie et la cartographie comme outil et technologie essentielle à l’installation d’un pouvoir qu’il est important de déconstruire et déborder. Elle privilégiait des géographies relationnelles et des cartographies affectives qui prennent en compte l’expérience des déplacements sur un territoire, ses conditions, son encadrement, les forces d’invisibilisation en marche, l’appréhension du temps de chacun et des émotions suscitées. Pour La diaspora des objets, Irit Rogoff partage ses nouvelles recherches autour de la constitution idéologique de l’Etat d’Israël et du projet sioniste, telle l’invention moderniste d’un lieu dont elle décryptera les motifs et ses effets, brutaux et illusoires.
 
Yasmine Eid-Sabbagh rend compte de ses recherches effectuées pendant de longues années dans un camp de réfugiés palestiniens dans le sud du Liban, travaillant à produire une archive numérisée d’images de famille et de studio - photos rares et privées, rarement exposées au regard, délaissées même par ceux qui les possèdent ou les réalisent. Travaillant en collaboration avec les résidents du camp, se voyant confiée un certain nombre de photographies, l’artiste a engagé un travail de mémoire. Ce dernier passe par l’accroissement de l’attention accordée aux formes d’auto-représentation et par la libération des espaces temporels, géographiques et émotionnels qui convergent dans ces images. C’est à travers une forme expérimentale de restitution sonore et visuelle que Yasmine Eid-Sabbagh s’attache ici à explorer les superpositions des mécaniques de distance et de proximité propres à ces images et à ouvrir leur antagonisme inhérent.
 
Dans Atlas of The Conflict (2010) l’architecte Malkit Soshan proposait, via la production de plus de 500 cartes et diagrammes, une visualisation du conflit israélo-palestinien sur les 100 dernières années. Son intervention pour La diaspora des objets, intitulée Migratory Stones, revient sur l’histoire particulière du village arabe Ein Hawd : un territoire confisqué, d’où ses habitants palestiniens chassés ont été remplacés par différentes colonies juives, et enfin occupé par des personnalités du mouvement Dada qui le font devenir à ses dépens le symbole d’un espace social d’avant-garde. Les fondations sont déplacées, ré-agencées et renommées, mais aussi creusées pour accueillir une activité artistique. Les pierres portent aujourd’hui encore les stigmates d’une volonté d’instauration d’un nouveau monde qui n’a d’égal que la violence faite à ses origines véritables.
 



Biographies
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Après une triple formation à la Remscheid Academie en danse, au Pratt Institute de New York en sculpture et à la Gerrit Rietveld Academie d’Amsterdam, Yael Davids a développé une pratique artistique entre performance, sculpture et arts plastiques et à l’intersection des champs personnels et politiques. Pivot de sa pratique, le corps est conçu comme un espace d’accueil et d’activation de convergences et de conflits qui la constituent en partie. Tel un canal documentaire, il enregistre le présent et porte les stigmates de l’histoire. Il est une source de connaissance et un espace dynamique de réécriture. Son travail se concentre par ailleurs sur le caractère ambigu du statut des objets et des lieux et de la manière dont cette ambiguité produit du sens.
Yael Davids a exposé à titre personnelle à la section performance de la Biennale de Venise en 2005, à Objectif Exhibitions à Anvers en 2008, à la Kunsthalle de Bâle en 2011, au M - Musée de Louvain en 2012, au MAR - Musée d’Art de Rio de Janeiro, à Redcat CALART’S Downtown Center for Contemporary Arts de Los Angeles en 2013 et aux Laboratoires d’Aubervilliers en 2015. Son travail a également et notamment été présenté au sein d’expositions et de projets collectifs au Museum Kunst Palast à Düsseldorf, à l’Institut for Contemporary Art (ICA) de Londres, à la 52th Biennale de Venise, à l’Israeli Center of Digital Art à Holon, à la Tate Modern à Londres, au Van Abbemuseum d’Eindhoven, à la Fondacion Centro Historico de Mexico, et plus récemment au sein de l’exposition Yvonne Rainer Project à la Ferme du Buisson.

Yasmine Eid-Sabbagh a étudié l’histoire, la photographie et l’anthropologie visuelle à Paris. De 2006 à 2011 elle vit à Burj al-Shamali, un camp de réfugiés palestinien établis en 1956, et situé juste au sud de la ville portuaire de Tyr, au Liban. À Burj al-Shamali, elle a réalisé une recherche photographique incluant un projet dialogique avec un groupe de jeunes palestiniens, ainsi qu’un travail de collection de photographies de famille et de studio. Yasmine Eid-Sabbagh est membre de la Fondation Arabe pour l'Image (www.fai.org.lb) depuis 2008. Elle est actuellement doctorante à l’Académie des Beaux-Art de Vienne.

Malkit Shoshan a étudié l'architecture et l'urbanisme à l’Université IUAV de Venise (Italie) et au Technion de Haïfa (Israël). Fondatrice du think tank architectural FAST (Foundation for Achieving Seamless Territory  / Fondation pour la réalisation d’un territoire transparent) basé à Amsterdam, elle explore et met en évidence via son travail les relations entre l'architecture, la politique et les droits de l’homme.
Auteure du livre primé Atlas of the Conflict, Israel-Palestine (2010) et de Village (2014).
L’an passé, alors qu’elle était chercheuse à la Het Nieuwe Instituut de Rotterdam, elle a développé un projet à long terme Drones et Honeycombs où elle étudie l'architecture contemporaine et des paysages en temps de guerre et de paix. Il comprenait l’intervention « Design for Legacy » ; les séminaires « Drone Salon » et « Missions and Missionnaries », ainsi que l'installation « 2014-1914: View from above ».
Elle est également membre du comité de rédaction de Footprint, le Journal Architecture Théorie de Delf, associé à la chaire Architecture Théorie de l’Université de Technologie de Delf (Hollande).
Son travail a été publié au sein de livres, magazines et journaux tels que SQM:The Quantified Home, Volume, Abitare, Frame, Monu, Haaretz et le New York Times ; il a également été exposé à la Biennale d’Architecture de Venise (2002, 2008), la Biennale de Venise (2007), l’Institut d’Architecture des Pays-Bas (2007), Experimenta (2011), NAiM/Bureau Europa (2012) et au Het Nieuwe Instituut (2014).

Irit Roggoff, théoricienne et curatrice, qui écrit à l’intersection des pratiques critiques, de la politique et de l’art contemporain, est également professeur au Goldsmiths, University of London, au sein du département des cultures visuelles qu’elle a fondé en 2002. Son travail, via une série de nouveaux séminaires de recherche et reflexion pour études doctorales au Goldsmiths (Research Architecture, Curatorial/Knowledge) se concentre sur les possibilités de localisation, déplacement et échange de connaissances à travers les pratiques professionnelles, forums auto-générées, institutions académiques et intérêts individuels. Ses publications comprennent notamment Museum Culture (1997), Terra Infirma – Geography’s Visual Culture (2001), A.C.A.D.E.M.Y (2006), Unbounded – Limits Possibilities (2008) ainsi que Looking Away – Participating Singularities, Ontological Communities (2009). Enfin, en tant que curatrice, elle a notamment réalisé les expositions suivantes : De-Regulation avec le travail de Kutlug Ataman (2005-8), A.C.A.D.E.M.Y (2006) et Summit – Non Aligned Initiatives in Education Culture (2007).