Classes de Lutte #3 /
Les "mijeurs", jeunes isolés étrangers : invisibilisation étatique et pratiques d'accueil
Rencontre le mardi 6 juin 2017, 20h
« J'ai peur de mourir dans la rue, j'ai eu trop froid cette nuit ».
Mois de décembre 2016, Paris. A, 17 ans, tremblant de froid, attend à la porte de la Chapelle, le camp humanitaire ouvert par la Mairie de Paris deux mois plutôt. De l’autre côté de la porte d’entrée, une travailleuse sociale demande : « Mais vous êtes sûre qu'il est mineur, il a une moustache… 'Mentent souvent vous savez ? ».
Dans les rues de Paris, de France, sur les routes de l’exil, des centaines de jeunes errent. Trop petits pour être mis avec les grands, et jugés trop grands pour être pris en charge dans les dispositifs d'aide sociale à l'enfance, ils seraient en France moins de dix mille selon les autorités. Le double peut-être si l'on en croit le nombre de rejets dans les dispositifs d'accueil (90 % à Paris) qui contestent leur minorité.
Les “mijeurs” composent seuls ou en petits groupes dans la partition des villes, écrite en majeur et mineur. Ils sont invisibles et les premières victimes des violences, institutionnelles ou issues de la rue. Qu’est-ce que le non-accueil de ces jeunes par les structures institutionnelles françaises nous apprend sur l’état d’injustice contemporain ? Quels moyens individuels et collectifs sont mis en oeuvre pour aider ces jeunes ? Qu’est-ce que leurs regards nous disent de la défamiliarisation du monde en cours ? Jeunesse maltraitée, elle rencontre parfois des individus bienveillants et réussit à trouver place dans notre société.
Nos deux invités, Clémentine Ébert et Olivier Favier, œuvrent à rendre le monde plus habitable pour ces jeunes. Au cours de cette rencontre, ils raconteront les contradictions et violences du système français, leurs difficultés quotidiennes rencontrées mais aussi les sourires, les victoires, et les moyens à mettre en œuvre pour poursuivre la lutte de l’accueil de celles et ceux qui, catégorisés comme “mineurs ou majeurs isolés étrangers”, aspirent seulement à grandir ici.
Kid's Café de la jungle de Calais photographié par Tak Tak Tak, collectif d'architectes travaillant sur des projets de construction pour les personnes et communautés en difficultés _ tous droits réservés
Clémentine Ébert exerce le métier d’avocate depuis 2011 en droit des étrangers, asile et nationalité française. Elle a d’abord collaboré pendant plusieurs années au sein d’un cabinet parisien avant d’ouvrir son propre cabinet à Metz. Elle est par ailleurs engagée auprès de plusieurs associations comme l’ADDE, la Ligue des droits de l’homme et Avocats sans frontières.
Olivier Favier est historien de formation, traducteur et interprète de l'italien. Il est notamment l'auteur de Chroniques d'exil et d'hospitalité (Le Passager clandestin, 2017). Par ailleurs, il est responsable de publication du blog Dormira jamais qui mêle récits de ces jeunes, critiques et idées politiques, littéraires et cinématographiques.