Le génie empêché par les médiocres
Amina Zoubir, plasticienne-vidéaste algérienne et doctorante en Esthétique de l'Art, propose une séance autour du film Tahya Ya Dido de l'acteur et réalisateur Mohamed Zinet.
DR
L’inclassable Tahya Ya Dido manifeste une esthétique filmique et sonore inédite dans le répertoire des films made in Algeria. Sonorités stridentes, objets brillants bigarrés, montage de plans aléatoires conjuguent une position où l’inquiétante sensation d’étrangeté se mélange à l’enthousiasme de découvrir la ville d’Alger par un prisme dissemblable, partagé entre fantasme et réalité.
Les formats filmiques abordés et les traitements visuels liés à la performance du poète Momo concèdent à l’art vidéo ses fondements. Visible par des circuits restreints, l'objet filmique non identifié de Mohamed Zinet dans le cinéma algérien des années soixante-dix à nos jours, oscille entre désir et douleur à libérer cet incongru et latent, le cri immuable d'un poète isolé devenu fou par l'errance, le conduisant à la perte des repères sociétaux et culturels.
Il invoque un processus qui érige un système aliénant et inhérent à la condition urbaine. Quand il s’approche, c’est pour nous livrer l’intimité des rues, de la casbah, des bouts de vies au café et au marché ; quand il s’éloigne, par des élévations de vues aériennes, il transcende la ville à travers Momo par ses poèmes élogieux et révélateurs sur l’état de la ville d’Alger. L’expérience filmique glisse vers l’expérience plastique à travers l’animation des dessins du peintre M’hamed Issiakhem et des illustrations documentant l’histoire de la colonisation et de la guerre.
Le regard construit une dualité temporelle lorsqu’il offre à choisir entre « pont et destin » éclairé par la lumière du présent, le passé se dirige vers un futur inconnu et sombre. Il achève « Vive la folie quand le sage est en vacances » d’un rire qui dénonce son éloignement par les médiocrités ambiantes, dès lors l’innocence infantile prend place et condamne alors le génie du poète à l’oubli.
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+ film projeté +
TAHYA YA DIDO de Mohamed Zinet (1971, 76 min)
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Lundi 8 avril
+ horaire +
20h, accueil du public dès 19h30
+ entrée libre +
Bar et restauration légère