illegal_cinema #121
Lundi 9 Septembre 2013, 20h
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Moindre

En réaction à la séance hors-les-murs avec l'Atelier W le 18 juin dernier, Clément Marmoz présente Le Moindre Geste de Fernand Deligny, Josée Manenti et Jean-Pierre Daniel. 

« Il délirait tout son saoul et les bandes se remplissaient sur ce magnétophone qu’il respectait, tapant dans l’herbe cependant qu’il vociférait à en avoir l’écume aux lèvres, et cette écume séchait, frange tenace de parole, comme sur les plages on voit la trace des dernières marées »
F. Deligny cité par Sandra Alvarez de Toledo, in Communication, n°71, p. 257

Le Moindre Geste est précaire. C’est une tentative qui n’a, a priori, que faire du sens. Le Moindre Geste semble tracer quelque chose de ce réel que le langage ne peut contenir dans ses mailles. Fernand Deligny s’est toujours efforcé à les écarter, ces mailles. D’abord auprès d’adolescents «délinquants», «psychotiques», «débiles profonds», en milieu urbain, puis à la fin des années 50 dans le paysage des Cévennes, où il ne part pas seul. Là-bas, quelques adultes en présence avec des gamins que la psychiatrie a qualifiés d’incurables, notamment Yves, jeune homme qui traverse le monde et l’expérimente par ses gestes. Comme une tentative, Josée Manenti  filmera l’errance de ce jeune homme.

Deligny proposait cela, filmer, parfois même sans film, pour pouvoir se taire. Filmer sans projets, tout au plus une histoire légère, une trame un peu lâche pour tenir malgré tout. Le moindre geste est pensé comme l’histoire d’une évasion, celle de Richard et Yves. Richard tombe dans un trou, Yves vagabonde alors dans le paysage chaotique des Cévennes.

Ensuite, les images et les sons resteront dans une malle près d’une décennie jusqu’à ce qu’un jeune monteur, Jean-Pierre Daniel, trouve les bobines, traces de ces deux années d’errances. Il s’attellera avec Josée Manenti à monter un film. Le montage, pleins d’asymétries, tire la substance délirante de la voix off, celle d’Yves, pour en faire film fou où cette parole nous devient commune, étrangement proche. L’enjeu cinématographique est rare : faire du débordement de sens un film.

De la tentative de Deligny à la reprise par Jean-Pierre Daniel et Josée Manenti, le discours se dissout ramenant l’humain à son moindre geste, un geste qui n’échappe pas au commun mais se situe à partir de son écart au monde.

Clément Marmoz travaille avec la folie et ses entours depuis 10 ans. Il a notamment animé des ateliers de création radiophonique, à Lyon et Paris, avec des enfants, adolescents et adultes ayant à faire à la psychiatrie.

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+ film projeté
LE MOINDRE GESTE de Fernand Deligny, Josée Manenti et Jean-Pierre Daniel (1970, 105 min)
+ date
lundi 9 septembre, 20h
+ entrée libre
bar et restauration légère, dès 19h30