Séance proposée et programmée par Mamadou Kane, membre de l'Office Municipal de la Jeunesse d'Aubervilliers (OMJA).
Collision (titre original : « Crash »)
de Paul Haggis (USA, 2005, 1h48')
« Los Angeles. Un accident de la route. Puis la découverte d’un cadavre. Trente-six heures plus tôt, plusieurs personnes aux origines sociales et ethniques très différentes avaient vu leurs existences s’entrecroiser, entrer en conflit.
Collision est un film choral absolument sensationnel, à plusieurs égards. Concernant les choix esthétiques, une poignée de seconds rôles jouée par un casting très efficace (Don Cheadle, Sandra Bullock, Matt Dillon, Ludacris...) est réuni pour porter à l’écran des trajectoires pensées et écrites par Paul Haggis (scénariste de Million Dollar Baby et des deux derniers James Bond). En plus de cela, l’année de sa sortie, "Crash" (le titre original) a mis tout le monde k.o. avec ses 17 nominations et ses 9 récompenses lors de différentes cérémonies. Il a notamment remporté 3 oscars (meilleur scénario original, meilleur film et meilleur montage). C’est dire la qualité de cet opus. Selon moi, au-delà de son statut de "leçon de cinéma", de par son réalisme et son côté très actuel, ce film mérite d’être (re)vu, partagé et analysé, surtout en ce moment.
Rappelons au passage qu’une "collision" désigne un choc direct et violent entre deux corps physiques. Le film débute d'ailleurs assez logiquement par un accident de la circulation puis par une constatation amère de l’un des personnages jouée par l’excellent Don Cheadle : "C’est une question de toucher. À Los Angeles, personne ne touche personne. On est toujours pris derrière le métal ou le verre et on a un besoin de toucher à un point tel qu’on entre en collision avec les autres, rien que pour ressentir un peu de chaleur humaine". S’ensuit un échange mouvementé entre les deux conductrices, une asiatique et une latino-américaine. La première lançant à la seconde que "les Mexicains ne savent pas conduire", et la dernière répliquant par une estocade sur la supposée petite taille des asiatiques qui les empêcherait de voir la route. Cette "collision" verbale est symptomatique de ce dont traite Paul Haggis tout au long du film, à savoir les relations sociales très tendues dans cette mégalopole de L.A. À travers cet impact et de plusieurs autres souvent violents, la ville se veut le miroir d’une société américaine où tout est "racialisé", hyper-communautariste, où les gens ne communiquent pas. Ils entrent nécessairement en collision sociale.
Dans cette société, chaque personne a des préjugés envers les autres. Les "blancs" pensent que les "noirs" ou les "latinos" sont violents et voleurs, et ceux-ci pensent que les "blancs" sont craintifs et racistes. Chacun renvoie à l’autre son origine ethnique ou sociale, son apparence ou sa criminalité supposée ou prédisposée. Exprimant un jugement hâtif, on résume un individu à un/e seul/e de ses actes ou paroles et non par la somme de ses actions. Peu importe, par exemple, que le serrurier "latino" soit un père de famille honnête et remarquable, on (les blancs, les perses et les autres) le renvoie sans cesse à son apparence, à ses tatouages, à ses liens supposés (encore une fois) avec le crime.
Ce qui me paraît intéressant, c’est que ce fait n’est pas, à mon sens du moins, propre à la lointaine Los Angeles mais à toutes grandes villes et, par extension, toutes les sociétés modernes. On retrouve cela également dans le paradigme latin (?). Nous vivons dans des sociétés de l’apriori, où l’être véritable est ignoré au profit du paraître. Dans cette perspective, l’autre devient finalement l’ennemi à écraser moralement ou physiquement par peur ou par nécessité (souvent par besoin d’argent). De plus, le manque de communication entre les communautés (ou les individus tout simplement), les préjugés des uns sur les autres et l’individualisme compétitif sont les principaux défis de nos sociétés contemporaines. Peu importe l’origine (le système socio-économique poussant à la compétition, un conflit interclasses ou interculturel…) pour des relations sociales apaisées.
Et, si l’on est conscient en France par exemple, du danger d’une société communautariste où chacun s’enferme chez soi et accable les autres, que dire d’un système qui renie les particularités de chacun, se voulant d’assimilation et donc de déni de la multi-culturalité?
Toutefois, dans Collision, comme dans la vie, on se rend compte à quel point le problème est grave et complexe. Voilà certaines des raisons pour lesquelles Collision est un film social, et développe même son récit en forme d'étude sociologique. A voir donc, et surtout, à discuter. » Mamadou Kane
Image: DR
La séance est organisée en partenariat avec l'Office Municipal pour la Jeunesse d'Aubervilliers.
illegal_cinema #44