ILLEGAL_PARTY : soyez les bienvenus dès 19h30 pour fêter un an de débats passionnés !
Tout peut arriver (Photo DR)
La séance est proposée et animée par Mathieu Lericq, coordinateur du projet illegal_cinema.
Films projetés :
Collision frontale (Zderzenie czołowe), un documentaire de Marcel Łoziński (Pologne, 1975, 11min.)
Un conducteur de locomotive proche de la retraite est choisi pour être donné en exemple à ses jeunes collègues et doit recevoir son cadeau de départ au cours d’une cérémonie. Toutefois la vie est dure : dans un état de fatigue extrême, il cause une catastrophe ferroviaire, et la cérémonie est annulée.
89mm d'écart (89 mm od Europy), un documentaire de Marcel Łoziński (Pologne, 1993, 11min.)
Brzesc — une ville sur la frontière entre la Pologne et l’ancienne Union soviétique. À cause d’une différence de 89 mm dans l’écartement des voies de chemin de fer de l’Union soviétique et du reste de l’Europe, les cheminots biélorusses doivent chaque jour adapter les wagons, pour que les trains internationaux puissent pénétrer dans le territoire de l’ancienne Union soviétique. Les passagers français, allemands, hollandais les observent à travers les vitres... Deux mondes distincts ?
Tout peut arriver (Wszystko może się przytrafić), un documentaire de Marcel Łoziński (Pologne, 1995, 39min.)
Marcel Lozinski filme l’insouciante promenade d’un enfant de six ans dans un parc, et suit le fil de ses rencontres avec de vieilles personnes. Sans interrompre ses activités, ni couper court à son plaisir, l’enfant évoque spontanément des questions essentielles, la mort, le temps qui passe et reçoit en retour des réponses graves et sincères. Nul n’ignore la présence de la caméra , et chacun se prête à la mise en scène du réalisateur qui suit cet itinéraire philosophique avec discrétion et respect.
Collision frontale (Photo DR)
Chemins de traverse
Le paysage concentre l'horizon, les formes naturelles, les bâtisses domestiquées et les êtres humains qui l'habitent. En d'autres termes, il renferme dans son cadre la vue d'une terre ramifiée, stratifiée, où chaque courbe est un appel à l'identité et à la mémoire de celui qui le regarde. Le paysage est un pays en image, un espace reconnu. Or, pour être reconnu, il faut qu'il soit reconnaissable. Le processus de reconnaissance d'un paysage s'accompagne d'indices soit présents dans l'image soit ajoutés par celui qui le conçoit. Ces dernières peuvent être des légendes déposées sous l'image, des titres surplombant un corpus de vues d'un même terrain, ou encore la parole d'un témoin qui apporte lors de la vision une épaisseur verbale et vivante. Dans l'univers cinématographique, le paysage se dote souvent d'indices sonores, des paroles de personnages révélant ce que le paysage, de par la distance que l'instance filmique institue avec le réel, maintient en son sein comme la lave enfouie d'un volcan, une mémoire profonde qu'il rend sensible autant qu'il dissimule.
En proposant une programmation autour du cinéma documentaire de Marcel Łoziński, j'aimerais reprendre la forme « paysage » dans sa dimension dynamique. Il s'agira de questionner la présence et la valeur de la mémoire individuelle dans un pays de l'ex-bloc communiste, cette énergie mémorielle devenue aujourd'hui un curieux socle de nostalgie ou de révulsion. Car dans les films de ce réalisateur méconnu résident des récits de vie personnels, parfois reconstitués, souvent déclenchés par l'intrusion de la fiction au sein du réel, pris en charge par des êtres qui traversent les paysages, qui les alimentent d'une parole imaginaire. Ces films touchent des vérités situées au-delà des réalités historique et sociologique. Ces récits de vie ne sont ni décris ni ajoutés après coup; ils sont joués par des individus qui bougent, en quête de sens personnel dans un pays où règne le label « collectif ». Ce sont donc les règles de ce jeu (politique) mêlé aux désirs, aux images fantasmées et à la mythologie sociale, provoqués par ces « êtres du mouvement » que je vous propose de saisir.
Mathieu Lericq
89mm d'écart (Photo DR)