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Atelier de lecture "Psychotropification de la société" #6
Jeudi 7 janvier 2015, 16h-18h



Cette année, Les Laboratoires d’Aubervilliers reconduisent les ateliers de lecture qui, tous les quinze jours, proposent de mener collectivement recherches et réflexions autour d’une problématique spécifique abordée depuis différentes disciplines (l’art, les sciences humaines, la politique). Ces ateliers participent à la construction du « Printemps des Laboratoires », programmation qui se décline tout au long de l’année via des workshops, tables rondes, projections jusqu’à l’avènement d’un moment public intense. Ce rendez-vous public, qui aura lieu les 4 et 5 juin 2016, en constitue la mise en perspective finale à une échelle internationale. Cette programmation est articulée chaque année autour d’une notion spécifique ; cette année il s’agit de « La psychotropification de la société ».

Cette expression, associant les termes « psychopharmacie » et « tropisme », désigne le mouvement exponentiel de prescriptions et de consommation de médicaments dans le cadre du traitement des troubles mentaux et psychologiques. En pointant ce « tropisme » notre intention est de démontrer que derrière la normalisation de ces prescriptions s’érige une  idéologie fascisante qui infiltre et dirige les sociétés occidentales, davantage préoccupées par la liberté d’action à conférer à l’industrie pharmaceutique qu’aux individus qui les composent.

Pour mener à bien cette réflexion collective qui traitera des effets de normalisation sous-tendus derrière le phénomène décrit, de l’état de la psychiatrie actuelle et de la place accordée à la maladie et à la folie dans notre société, nous vous proposons de nous réunir, un jeudi sur deux, à partir du 22 octobre, de 16h à 18h. Un ou plusieurs textes sont proposés et/ou choisi à chaque atelier pour le suivant.


Atelier # 6

Pour inaugurer l'année 2016, nous vous proposons pour l'atelier de lecture du 7 janvier d'échanger autour du texte de Fernand Deligny L’Arachnéen, afin notamment de mettre à jour ce qu’il a nommé un « réseau de présences » et continuer à écrire au pluriel les modes d’être au monde.

Fernand Deligny (1913 -1996), figure importante de l’éducation spécialisée, se dit poète et éthologue. D’Ivan Illich, il reprend l’idée d’une langue vernaculaire, et comme lui s’insurge contre les enfermements causés par les institutions, en l’occurrence celle de la psychiatrie. Après avoir travaillé à l’asile d’Armentières, il rejoint quelques années Guattari et le Docteur Oury à la clinique de La Borde avant de mener en 1967 une « tentative » qui l’occupera jusqu’à sa mort : accueillir des enfants autistes dans un village des Cévennes, construisant des situations où leur mode d’existence est rendu possible, campant dans des « aires de séjour » entourés d’adultes attentifs à leurs « moindres gestes », ceux capables de les apaiser et de les sortir de leur isolement.

Faisant écho à nos discussions autour de la maladie et du rapport patient-médecin, il est remarquable que Deligny revendique le fait qu’il ne s’agit pas de « soigner » ces enfants autistes (car ils n’ont « rien »), ni même de les rééduquer, mais d’entreprendre avec eux une « dérive ». Et de penser un « comme un » qui n’a pas prétention à faire école. Deligny opère un déplacement important : il ne s’agit pas de pointer le déficit de ces enfants mais de se demander ce qui nous manque pour être à ce point inexistants à leurs yeux.

Cette expérience de vie menée par Deligny permettra aussi d’étayer les notions de liberté et de décision, maintes fois abordées. Sachant que ce que choie Deligny c’est l’aménagement d’un espace d’accueil aux formes de non vouloir, aux modes d’existence extra linguistique. « Ce que l’arachnéen nous enseigne, c’est qu’il ne s’agit pas, pour l'araignée, de vouloir avoir, de par le tissage de sa toile, la mouche ; c’est tramer qui importe. »

La figure de l’araignée devient pour Deligny le motif depuis lequel déployer une pensée du réseau. C’est la toile qui a le projet d’être tramée et non l’inverse. On tisse sans intention. Et on s’interroge de la possibilité d’un « agir » à l’infinitif.

Ce sera aussi l’occasion d’examiner d’autres nombreux sujets importants du travail de Deligny : l’alliance forte entre théorie et pratique qui se noue en dehors de l’institution, le radeau, la précarité de l’expérience, les « lignes d’erre » (ces cartes qui retracent les déplacements des enfants et témoignent de leur impérieux besoin d’immuable), le rituel, l’image autiste.

Enfin relevons ce qui pourrait d’abord apparaître comme paradoxal : alors même que Deligny valorise la possibilité d’une vie sans langage, l’écriture lui tient lieu de vie. Mais c’est une écriture qui ne cherche pas à communiquer ; elle est en quête d’une langue étrangère, atonale, d’une poétique, inabsorbable. Celle de l’Arachnéen est fragmentaire, faite de détours autobiographiques, reposant sur des torsions permanentes de la langue et de jeux de mots « aphorisants », d’aphorismes euphoriques, pour poursuivre par ce néologisme le fil de la littérature addictive d’AvitaRonell !

Ce texte sera introduit par Bertrand Ogilvie, philosophe et psychanalyste, professeur à l'université de Nanterre et directeur de programme au Collège international de Philosophie et qui a signé la postface de L’Arachnéen.

 


Pour consulter un résumé des ateliers passés ainsi que des textes ayant été précédemment étudiés, vous pouvez vous reportez à la synthèse des Ateleliers de lecture / Psychotropification de la Société.




Les textes sont décidés par le groupe et lus en amont de chaque atelier. Ces ateliers sont gratuits et ouverts à tous, ils ont lieu le jeudi tous les quinze jours de 16h à 18h sur inscription.
Pour obtenir les textes étudiés, les compte-rendus de session, ou vous inscrire, contactez Clara Gensburger: c.gensburger@leslaboratoires.org


Dates: les jeudi 22 octobre, 5 et 19 novembre, 3 et 17 décembre, 7 et 21 janvier, 4 et 18 février, 10 et 24 mars, 7 avril (de 16h à 18h).