Les Laboratoires d’Aubervilliers poursuivent les ateliers de lecture qui, tous les quinze jours, proposent de mener collectivement recherches et réflexions autour d’une problématique spécifique abordée depuis différentes disciplines (l’art, les sciences humaines, la politique). Ces ateliers participent à la construction du « Printemps des Laboratoires », programmation qui se décline tout au long de l’année via des workshops, tables rondes, projections jusqu’à l’avènement d’un moment public intense. Ce rendez-vous public, qui aura lieu en juin 2017, en constitue la mise en perspective finale à une échelle internationale. Cette programmation est articulée chaque année autour d’une notion spécifique ; cette année il s’agit de « Extra Sensory Perception ».
La quatrième édition du Printemps des Laboratoires a ouvert un champ très vaste que nous souhaitons continuer à explorer pour cette nouvelle saison. Sous l’intitulé « ESP (Extra Sensorial Perception) », nous proposons de poursuivre nos réflexions.
Il sera question de comment faire de la place dans nos vies à des voix multiples et contradictoires, à un “Je” non unique, centre de gravité narratif, à des entités non-humaines et autres mondes invisibles, de comment en être remplis sans être assaillis. On se demandera ce que peut être une mystique contemporaine et dans quelle histoire hallucinée, illuminée, visionnaire nous souhaitons nous situer aujourd’hui. On cherchera les méthodes de désindividualisation afin de partager ces visions et de les rendre collectives et habitables.
Atelier # 12
Pour ce douzième atelier de lecture, nous nous proposons d'étudier le texte du chercheur québecois Erik Bordeleau, Foucault anonymat, publié en 2012 aux éditions Le Quartanier.
En effet, nous nous sommes quittés à la fin du dernier atelier de lecture, consacré à Dépossession de Judith Butler et Athéna Athanasiou, avec cette notion d’ « invisibilité » qu’il nous semblait important de prendre davantage à bras le corps lors du prochain. Car si l’invisibilité peut être la conséquence d’une dépossession contrainte (l’invisibilisation de certaines populations par exemple), elle peut être également réclamée et employée comme stratégie politique.
Pour étayer notre réflexion, on se propose donc d’étudier Foucault anonymat d’Erik Bordeleau qui revient sur la question de l’anonymat peu explorée par les lecteurs de Foucault et pourtant fondamentale dans le rapport que ce dernier établit à la résistance politique. Avec ce texte, nous penserons des formes de militantismes actuels qui ont fait de l’invisibilité leur outil de désobéissance (les « Robins des bois du cyberspace » qui hackent les comptes du pentagone, de la police, de banques ou de grandes entreprises pour en redistribuer les contenus à des œuvres caritatives, les collectifs tels qu’Anonymous qui refuse tout leadership et enracine leur lutte dans la (sur)représentation de l’anonymat). L’anonymat comme mouvement de déprise de l’identité, qui échappe aux assignations sans pour autant annuler le droit à la différence, qui œuvre à se défaire d’une subjectivité libérale et s’oppose à « un gouvernement par l’individualisation ». L’anonymat comme ce qui est à conquérir pour se dépendre de soi-même, parvenir à percevoir autrement et élargir notre présence. Pour penser aussi avec Foucault ce qu’est la littérature, lui qui écrivait pour ne plus avoir de visages, pour transgresser l’ordre des discours, « et ainsi loger sa voix dans ce grand murmure anonyme des discours qui se tiennent ».
Nous vous enjoignons à lire l’intégralité de ce petit ouvrage de quelques 100 pages et envoyons à ceux qui le souhaitent un court chapitre en particulier.
Érik Bordeleau est chercheur au SenseLab et chargé de cours dans diverses universités québécoises. Il est l’auteur de Comment sauver le commun du communisme ? (Le Quartanier, 2014) et de Foucault anonymat (Le Quartanier, 2012, Prix Spirale Eva-Le-Grand). Il a complété un doctorat en littérature comparée à l’Université de Montréal sur la relation entre anonymat et politique dans le cinéma et l’art contemporain chinois. Il est membre d’Épopée, un groupe d’action en cinéma, qui a réalisé les films Rupture (2014) et Insurgence (2013), sur la grève étudiante québécoise. Il est né en 1978 à Québec. Il vit à Montréal.