Proposée et animée par Pascale Cassagnau, docteur en histoire de l'art et critique d'art.
Projection de : Ordinary People, un film de Vladimir Perišić (Serbie, 2008, 76 min.)
« Conçu comme la mise en place d'un dispositif de visibilité, le film de Vladimir Perišić constitue une sorte de machine à calculer des distances. "Ordinary People" fait de la place du spectateur son objet principal, à travers la généalogie de mises à mort de civils par un groupe de soldats, en temps de guerre, quelque part dans les Balkans. Le travail du film consiste à décliner des focales sur des meurtres commis en toute banalité du mal. Le long trajet en car qui mène les soldats vers le terrain des opérations (il s'agit de "s'occuper de l'ennemi", "de remettre de l'ordre"), l'attente, le sommeil, sont des moments dilatoires portés par des trouées sur le paysage ensoleillé, des travellings qui prennent à revers les événements, conduisant vers les instants de la barbarie ordinaire, accomplie par des êtres ordinaires. L'espace du film est un cadre qui encadre l'abjection ordinaire, le malaise, le doute, l'apathie donnés à voir sans jugement, plaçant le spectateur face à lui-même. Le long plan séquence qui clôt le film de Vladimir Perišić fait écho au récit de l'écrivain portugais Antonio Lobo Antunes, dans "Mon nom est légion", chronique d'une autre guerre - l'Angola - situé dans un autre continent: "Et une fois que ce sera passé m'assoir à vos cotés le front entre les mains je ne dis pas pour pleurer, pourquoi pleurer, aucune raison de pleurer, le front caché derrière mes mains pour ne pas me voir moi-même." »
Pascale Cassagnau