Pièce Sans Paroles d'Anne Juren, DD Dorvillier et Annie Dorsen
"Dans « Blanche-Neige », le cinéaste portugais João César Monteiro a réalisé l'adaptation d'une pièce de Robert Walser en posant sa veste sur l'objectif de la caméra: du cinéma sans image, des voix sur fond noir. Que se produit-il lorsqu'une forme artistique est privée de son mode d'expression spécifique, quand une part de ce qui la fonde est retranchée? Vers quelles zones sensibles se déplace l'attention du spectateur? C'est la question que se sont posées les chorégraphes Anne Juren, DD Dorvillier, et la metteuse en scène Annie Dorsen, pour travailler à la frontière de leurs formes respectives. Le résultat de leurs recherches, Pièce Sans Paroles n'est pas du théâtre muet, ou une mise en scène sans texte, mais un spectacle dont la parole se serait absentée, continuant à travailler les corps qu'elle a habités, laissant résonner un silence qui emplit chaque geste.
Parties de The Two Character Play de Tennessee Williams, mise en abîme du théâtre, où « l'histoire dans l'histoire » n'arrive pas à s'écrire, ni les personnages-acteurs à la jouer, elles ont accompli une double opération: prendre cette mise en scène comme un matériau à déconstruire, à réinterpréter; et en faire une partition chorégraphique qui relie physiquement le trajet de Felice et Clare, un frère et une sœur enfermés dans le cercle du passé. Une fois retiré le texte, sa scansion, comment les corps incarnent-ils l'intensité, l'angoisse, la passion des personnages? À la bordure du sens se dessine une syntaxe précise, faite de mouvements, rythmée par des lumières, des sons, des musiques. Dans un décor hétéroclite, décrit par Tennessee Williams comme rempli « des images désordonnées d'un esprit au bord de l'effondrement », Pièce Sans Paroles invente une danse qui joue, un jeu qui danse, et nous fait vivre un drame où les lignes psychologiques, sensorielles et narratives échangent leurs rôles."
(Texte extrait du site des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint-Denis)
Commentateurs:
Annie Dorsen, metteuse en scène et écrivaine, vit et travaille à New-York. Diplômée du Yale School of Drama, elle a, depuis, mis en scène de nombreuses pièces dont : Passing Strange (musical qui sera repris en film par Spike Lee), Ask your Mama (collaboration avec Laura Karpman et The Roots), Trucktop (collaboration avec le string quartet Ethel) et Democracy in America (projet pop-politique présenté au PS122 en 2008). Elle travaille actuellement sur Hello Hi There, une pièce de théâtre numérique dont la première aura lieu cet automne au festival Steirischer Herbst, à Graz (Autriche).
DD Dorvillier, chorégraphe et danseuse new-yorkaise, est associée depuis 1989 au Movement Research (New-York) en tant qu’artiste en résidence, co-éditrice du magazine Performance et programmatrice du festival MR en 2004 et 2005. Elle a travaillé, entre autres, avec Jennifer Monson, Jennifer Lacey, Jan Ritsema, Sarah Michelson, Yvonne Meier, Karen Finley et Alain Buffard. Elle a reçu de nombreuses récompenses pour son travail. Dernièrement, en janvier 2009, elle a présenté Choreography, a Prologue for the Apocalypse of Understanding, Get Ready! au DTW (New-York), avec la collaboration de la compositrice Zeena Parkins et de l’éclairagiste Thomas Dunn, membres de sa compagnie human future dance corps.
Nicolas Rollet vit et travaille en région parisienne : auteur publié chez Leo Scheer, Les Petits Matins, Argol, il commet également des lectures-performances avec J.Kikomeko, lui-même auteur (Little Single, revue Action Poétique, Rotor, catalogue de Pierre Mabille, Journal des Laboratoires) ; membre de l’Encyclopédie de la Parole depuis 2007, en raison d’une deuxième casquette, ses recherches en Analyse Conversationnelle, Ethnographie de la Parole ; il travaille aujourd’hui sur les pratiques langagières dans le centre d’appels médicaux urgents au Samu de Versailles
Jan Ritsema, fondateur de PerformingArtsForum (Saint-Erme, 02).
Bojana Cvejić