illegal_cinema #87

 

Lundi 7 mai, à 20h:

 

La séance sera proposée et animée par Marianne Derrien, commissaire d'exposition et critique d'art, chargée de mission pour les expositions à la Villa Médicis à Rome. Elle proposera une discussion autour du témoignage filmé en s'appuyant sur une selection de films d'artistes.

 

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Galerie Dohyang Lee et Laetitia Badaut Haussman, D.R.

 

Tout contre* par Marianne Derrien

Hitler, connais pas, premier film de Bertrand Blier, réalisé en 1963, se compose des témoignages d’onze jeunes, garçons et filles, de quinze à vingt deux ans, confiant leur passé, commentant leur présent, et imaginant leur futur. Leurs confidences défient le silence en toute transparence d’un studio de tournage aux aspects cliniques. Ce film-documentaire, qui a demandé à Bertrand Blier d’enquêter et de prospecter tel un journaliste pour réunir ses “personnages” selon ses propres termes, surprend par sa force narrative et son impact visuel. Des plans resserrés sur les visages au montage saccadé des témoignages, ces temporalités discontinues révèlent une esthétique du portrait filmé. Par ces postures libérées et ces affronts libertaires d'une jeunesse préfigurant mai 1968, la bienséance et le conformisme sont mis à l’épreuve. Les limites du réel et du fictionnel se chevauchent. Les marges sociales se dessinent par ces confusions. Film fondateur pour Bertrand Blier qui lui permet selon ses termes de “sortir de l'enfance”, ce portrait filmé d'une jeunesse est, à mon sens, un point de départ pour soulever la question du témoignage au travers des mécanismes et rouages du tournage. J’utilise une facétie prévisible en choisissant ce titre pour la séance: tout contre pour exprimer, à la fois, la proximité et la subversion des paroles.
Hitler, connais pas est une mise en image critique et problématique du rapport à l’autre et au langage. Pour prolonger et questionner les différentes facettes du film, j’ai choisi 5 vidéos d'artistes contemporains qui procèdent par le détournement des principes narratifs, par la frontalité des faits et par la maîtrise du récit. Cette séance mettra en évidence la notion de confession et de micro-histoire: de Jean-Jacques Rousseau aux écrits de Carlo Ginzburg, des réseaux sociaux aux systèmes de surveillance, de la confession presque religieuse aux récits de petites histoires, de l'interrogatoire policier à l'infiltration politique pour finir avec une déclaration amoureuse. L'ensemble des vidéos sélectionnées se présente sous la forme d’un panorama contrasté entre le personnel et le politique.
Ils respirent, Voilà c’est tout, ces deux vidéos de Valérie Mréjen se rapprochent d’une recherche constante d’entrer dans le récit de l’autre. Ces portraits filmés s’esquissent tout en restant suspendus dans le temps et animés par des voix intérieures. Qu'est ce qui peut advenir de ce qui reste bloqué, entre transparence et obstacle de la parole et de la mémoire?
Ask God de Laetitia Badaut Hausmann problématise la notion de “bonne mémoire” au travers de micro-récits sociaux et politiques. Laetitia Badaut Haussmann construit cette vidéo à partir des récits de Deren Smart, basés sur des réminescences de la culture audiovisuelle, de Gimme Shelter, documentaire sur un concert des Rolling Stones (il évoque le contrôle et la folie de regroupements communautaires et culturels) à la construction d’une histoire personnelle en lien avec les icônes du rock et les médias.
Alain Declercq, avec sa vidéo Mike, questionne méthodiquement la figure héroïque par l'entremise des conflits politiques actuels. C'est au travers de la relation entre fiction et documentaire qu'Alain Declercq donne sens à un personnage nommé Mike, à la fois ambigu et vrai oscillant entre agent ou indicateur policier, terroriste ou charlatan. Mais qui est-il ? Alain Declercq souhaite construire ce personnage en le suivant lors d'enquêtes sur le terrain au Moyen Orient et aux Etats Unis afin d'interroger la véracité de ce qu'il raconte. Le pouvoir et la croyance sont entièrement en jeu amenant une confusion jusqu'au point que l'artiste, mis sur écoute, a vécu une perquisition réelle, suite à la réalisation de cette vidéo.
C'est au sein de ces enjeux que nous pourrons finir la séance avec la vidéo de Rémy Yadan, Le ravin bleu. Ce prélèvement de portraits de pêcheurs accompagné du récit de sensations liées aux paysages maritimes, entre érotisme et labeur, s'envisage comme une exploration de la condition humaine à la dérive poétique.

 * référence au documentaire "Bertrand Blier, l'homme tout contre..." (2008) de Juliette Cazanave.

 

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Rémy Yadan, D.R.

 

Films projetés (durée totale 54min):
Voila c'est tout de Valérie Mréjen, France, 2008, 6min, courtesy de l'artiste
Ils respirent de Valérie Mréjen, France, 2008, 7min, courtesy de l'artiste
Ask God de Laetitia Badaut Haussman, France, 2008, 4min, courtesy de l'artiste et galerie Dohyang Lee
Mike d'Alain Declercq, France, 2005, 27min, courtesy de l'artiste
Le Ravin Bleu de Rémy Yadan, France, 2008, 10min, courtesy de l'artiste

 

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Entrée libre

Accueil du public dès 19h30, bar et restauration légère.

 

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