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Atelier de lecture "Extra Sensory Perception" #9
Jeudi 2 février 2017, 16h



Les Laboratoires d’Aubervilliers poursuivent les ateliers de lecture qui, tous les quinze jours, proposent de mener collectivement recherches et réflexions autour d’une problématique spécifique abordée depuis différentes disciplines (l’art, les sciences humaines, la politique). Ces ateliers participent à la construction du « Printemps des Laboratoires », programmation qui se décline tout au long de l’année via des workshops, tables rondes, projections jusqu’à l’avènement d’un moment public intense. Ce rendez-vous public, qui aura lieu en juin 2017, en constitue la mise en perspective finale à une échelle internationale. Cette programmation est articulée chaque année autour d’une notion spécifique ; cette année il s’agit de « Extra Sensory Perception ».

La quatrième édition du Printemps des Laboratoires a ouvert un champ très vaste que nous souhaitons continuer à explorer pour cette nouvelle saison. Sous l’intitulé « ESP (Extra Sensorial Perception) », nous proposons de poursuivre nos réflexions.

Il sera question de comment faire de la place dans nos vies à des voix multiples et contradictoires, à un “Je” non unique, centre de gravité narratif, à des entités non-humaines et autres mondes invisibles, de comment en être remplis sans être assaillis. On se demandera ce que peut être une mystique contemporaine et dans quelle histoire hallucinée, illuminée, visionnaire nous souhaitons nous situer aujourd’hui. On cherchera les méthodes de désindividualisation afin de partager ces visions et de les rendre collectives et habitables.



Atelier # 9

Ce neuvième atelier de lecture se place sous le signe de La nuit des prolétaires de Jacques Rancière, et plus particulièrement de son épilogue La nuit d’octobre. De la révolution parisienne de 1830 aux prédications nouvelles des Saint Simoniens, de la naissance du fouriérisme et de ses utopies sociales à ses échecs, ces « Archives du rêve ouvrier » remontent le cours d’une génération d’ouvriers, fils de la révolution française et de la
« déclaration du droit du moi » portée par Jean-Jacques Rousseau. Ces ouvriers - artisans  autodidactes revendiquent le droit à une vie de la pensée, contemplative, séparée des contraintes du travail, et le besoin d’apprendre comme conquête de la liberté et accès au plaisir. Les livres, l’écriture, ont une place prépondérante dans leur intérieur imaginaire. Beaucoup écrivent, racontent leur expérience, revendiquent leur droit d’être pensant, allant contre la rupture radicale qui séparerait l’ouvrier laborieux de ceux dont le destin est voué aux privilèges de la pensée.

Cet épilogue mais l’accent sur des extraits de lettres envoyées par Désirée Véret à Victor Considerant (fouriériste, exilé aux USA dans une commune utopiste, puis soutien de la Commune en 1871 et membre de l’Internationale), lui rappelant la passion qui les unissaient 53 ans plus tôt en 1837 aussi bien dans la vie affective que sociale, des lettres envoyées par cette femme libre à cet « apôtre des idées sociales ».

Ici les invisibles se retrouvent en communiant entre amour, utopies politiques et passion de l’esprit et racontent au crépuscule de leur vie, à l’image de ces mots de Désirée Véret, témoignage parmi d’autres :

«  J’ouvris les yeux au milieu d’une lumière douce et d’une sensation de calme tendre, comme si je planais, tout en agissant sans avoir conscience de mouvement. Je suis restée quelque temps dans cette béatitude céleste et terrestre. Le sentiment m’en est resté comme un parfum persistant. Je me rappelais avoir entendu Fourier décrire un effet analogue qu’il pensait être l’état des âmes de ceux qui nous aiment et planent ainsi autour de nous dans notre atmosphère ».