1er espace : It is guilt – Ryan Gander
Le premier espace dans lequel le visiteur pénètre est une salle sombre et vide, où se dresse un écran de projection. Alors qu’une bande son semblant provenir d’un film est perceptible, l’écran projette une lumière mouvante mais aucune image n’est vraiment discernable. Le visiteur découvre progressivement qu’il se trouve derrière un écran de cinéma…
Par bien des aspects, c’est le comportement du spectateur, placé dans une situation de frustration et de voyeur illicite, qui constitue l’œuvre : sa curiosité, son appréhension, son désir et ses efforts pour voir.
Le film It is guilt n’a jamais existé, et n’existera jamais. Produit à partir d’un mélange d’éléments provenant de plusieurs scripts superposés, il ne dévoile qu’un récit fantôme provoquant une inquiétante sensation de déjà-vu, ou de déjà-vécu pour le visiteur placé ainsi en position d’aveugle. Il apparaît alors comme une expérience générique, non pas du cinéma mais des capacités du cinéma, agissant comme une illustration de lui-même, offrant assez d’indices pour générer une interprétation mais déjouant toute possibilité de conséquence ou de conclusion.
2eme espace : Projection vidéo - Aurélien Froment
À l’issue d’un corridor capitonné, le spectateur découvre un espace de projection où est projeté un film.
Ce film se déroule à Arcosanti, une ville prototype initiée par l’architecte Paolo Soleri, dont la construction dure depuis plus de trente ans dans le désert de l’Arizona. Un narrateur nous entraîne avec lui dans la découverte de cette ville à la manière d’un guide touristique. Le discours de ce guide a pour but de reconstituer les visions de la ville qui ont précédé ou accompagné sa construction : le programme de l’architecte, les témoignages et les prévisions des habitants-bâtisseurs, le souvenir des visiteurs… Tous ces récits, qui se conjuguent ensemble dans le monologue du guide, dessinent progressivement une image de la ville tout en en épousant les formes : inachevée, simultanément tendue vers l’avenir et archivant son propre passé.
La trajectoire du guide est quasiment circulaire, suggérant l’entropie qui caractérise le projet de Soleri et le cycle qui s’y est mis en place depuis sa création. Cette distorsion de la perception du temps se traduit par une lumière égale qui plonge le film dans la permanence d’une journée sans fin. Le film prend ainsi le parti de l’uchronie en installant le spectateur dans un temps indéterminé, dans un avenir proche ou dans une autre dimension - coupé temporellement et temporairement du monde, à l’instar de cette communauté qui s’est isolée en s’installant dans le désert.
3eme espace : Aurélien Froment / Ryan Gander
Le dernier espace procède des recherches combinées des deux artistes. Dans les rapports qui peuvent s’instaurer entre les différents éléments qui le composent, cet espace dans son intégralité offre les conditions pour que d’hypothétiques relations et associations d’idées soient mises en place par les visiteurs.
Les murs sont revêtus de panneaux d’isorel perforé, un matériau fréquemment utilisé tant pour ses qualités acoustiques que pour les possibilités qu’il offre à l’accrochage de présentoirs ou de documents. Le sol est recouvert d’un parquet constitué d’une multitude de blocs de bois assemblés selon plusieurs motifs génériques. Dans un coin de la salle, quelques blocs supplémentaires sont empilés contre le mur. Ce projet est une réinterprétation par Ryan Gander d’un travail antérieur d’Aurélien Froment qui consistait à présenter dans l’espace d’une galerie un ensemble similaire de pièces de bois, laissé à disposition des visiteurs, sans consigne ni règle de jeu.
Des cartons remplis de cartes postales, certains ouverts, d’autres encore fermés, sont disposés au sol. Les visiteurs sont invités à en explorer le contenu. Ils ont également la liberté d’emporter quelques cartes. Un jeu complet se compose de cent cartes différentes – la moitié produite par Ryan Gander, l’autre par Aurélien Froment, sans que les cartes identifient leur auteur. Chaque carte présente une photo au recto et un texte au verso venant commenter l’image et les possibles liens qui l’unissent à l’ensemble.