Pauline Boudry et Renate Lorenz vivent à Berlin. Leur dernier film, No Past/No Future, a été présenté au Pavillon Suisse (Teatro Fondamente Nove) de la Biennale de Venise en 2011. No Past a également fait l'objet d'un Statement à Art Basel en 2011 (Ellen de Bruijne Projects). On compte parmi les projets récents des artistes une exposition personnelle au Centre d'Art de Genève, Contagieux! Rapports contre la normalité (2010) et les expositions collectives All I Can See is the Management, Gasworks, Londres et Re.Act.Feminism #2: a performing archive, Centro Cultural Monterhermoso, Vitoria-Gasteiz (Pays Basque espagnol, 2011). Leur travail a fait l'objet d'un texte monographique dans le n°29 d'Art 21 (hiver 2010-2011) et dans e-flux journal #28. Un catalogue intitulé Temporal Drag vient de paraître aux éditions Hatje-Cantz. Site des artistes: www.boudry-lorenz.de

"Nos travaux revisitent souvent des documents du passé, photos ou films en général, puisant dans l’histoire des moments queer effacés ou illisibles. Ces travaux présentent des corps qui sont en mesure, non seulement de traverser les époques, mais aussi de tisser des liens entre ces différentes époques, laissant présager ainsi la possibilité d’un futur queer.
Dans Normal Work, N.O.Body et Contagious, nous nous intéressons aux discours liés à la sexualité et au genre dans l’histoire, de même qu’à leurs pratiques. Nous abordons la signification de la «visibilité» depuis le début de l’époque moderne. Ces travaux démontrent comment la visibilité de ces corps permet une prise de pouvoir, un certain glamour, et une forme de reconnaissance. Cependant elle participe également à rendre ces corps pathologiques ou criminels, à les dévaloriser. Nos travaux effectuent une réflexion sur la quasi-simultanéité de l’invention des perversions sexuelles et de la photographie ainsi que leur relation à l’économie coloniale de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième. Utiliser le film en s’appropriant des images historiques permet un déplacement ou un désaxement de l’autorité, et des moyens qui conduisent au savoir: dans N.O.Body, une femme à barbe prend la place d’un professeur et produit le rire, au lieu d’initier la connaissance habituellement véhiculée par le langage.
La plupart de nos travaux ont été filmés sur des formats 16mm. Cela présuppose une concentration dans la réalisation et souligne le caractère performatif du travail, car nous ne tournons les scènes très souvent qu’une seule fois. Dans sa performance en drag, Werner Hirsch - avec qui nous avons souvent collaboré –  ne «joue» pas, il ne vise pas à être ou à interpréter de façon convaincante un personnage : il établit une relation avec des matériaux du passé, dans une série d’actions et de gestes soigneusement exécutés, enregistrés et montrés en boucle lors d’une projection dans un espace d’exposition. Nous nous intéressons à la dimension performative de la performance, ses mouvements, ses opérations, et de plus, à leurs effets.
En même temps, nous intégrons aux images de la performance certaines conventions de fétichisation et de glamour en tant qu’axes de désir. Le film Normal Work fétichise la forte musculature, les habits, la masculinité et les mains sales d’une domestique. Les films No Future et No Past fixent l’attention sur les styles et les pratiques du mouvement punk, avec son rejet de la temporalité (future), et ses représentations inappropriées des genres. Comment retravailler la «normalité» aujourd’hui? Comment vivre la différence sans qu’il y ait perte constante d’autonomie, sans que ce soit récupéré par d’autres et sans indulgence envers les propositions d’intégration de l’économie néolibérale?"
(Pauline Boudry & Renate Lorenz)

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