Comment décrire un ami à un groupe de personnes qui ne le connaissent pas? Ces petites descriptions sont familières à chacun d’entre nous dans les conversations de la vie quotidienne: “Bon, elle est grande, blonde, plutôt timide, toujours bien habillée”, ou bien “une femme aux yeux marron, plutôt ronde”, ou tout simplement, “un grand Noir” (sachant que la couleur de la peau n’est la plupart du temps pas mentionnée par les Blancs lorsqu’il s’agit de Blancs et qu’on insiste plus souvent sur la silhouette quand il s’agit de femmes que d’hommes, etc.).
Je me suis demandé comment les gens me décrivaient. Que disent-ils en premier? J’ai étudié cette question et ai découvert que j’étais “celle qui rit beaucoup”.
Ce qui semble donc être caractéristique de ma personne, c’est le fait que je ris beaucoup. Mais je ne ris jamais seule, ou en tout cas rarement. Le rire est ce qui me relie au monde extérieur, ce que je “rayonne”, ce qui est “envoyé et reçu” entre mon vis-à-vis et moi-même.
Cette forme d’échange d’énergie quotidien correspond à mon champ de recherche artistique. Notre faculté mimétique nous amène sans cesse à détecter et à nous approprier des similarités, à nous copier les un(e)s les autres comme à travers un miroir, à imiter, à s’immerger. Nos identités se construisent sur le fait que nous nous imitons constamment les un(e)s les autres. Dans mon travail, je me penche sans cesse sur cette convention vieille comme le monde qu’est le “théâtre” en revenant à sa forme de base et en observant celle-ci: je la vois sous forme d’un groupe de gens assis passivement sur des chaises la plupart du temps et regardant au moins une autre personne se tenant devant eux. Cette personne fait quelque chose de destiné aux yeux et aux oreilles du groupe devant lequel elle se tient. Ce qui m’importe, c’est l’énergie qui circule entre les personnes situées sur scène et les personnes appartenant au public dans le cadre de cette convention, à travers un “quatrième mur” invisible.