Le site archéologique de la Montagne
Par Rémy Héritier, Sabine Macher, Laurent Pichaud et Gilles Saussier
Retranscription de la discussion publique du 11 septembre 2012 à 11h
Gilles: Le 22 décembre 1989 je suis arrivé à Timisoara au sixième jour de la révolution roumaine. J’étais accompagné d’un photographe que j’avais rencontré dans l’avion. Nous sommes arrivés, la ville était plongée dans l’obscurité. On entendait énormément de coups de feu et on essayait de se rapprocher du centre ville. Nous avons rencontré des gens qui parlaient français à qui nous avons demandé notre direction. Ils nous ont conseillé de ne surtout pas y aller et proposé de nous héberger pour la nuit. Ces personnes ont pris énormément de précautions pour nous amener jusqu’à leur appartement de manière à ce que le voisinage ne nous voit pas. On a donc dormi chez eux. Ils nous ont réveillé très tôt, avant le lever du jour de manière de nouveau à ce que nous ne soyons pas vu. Ils n’avaient probablement pas dormi. Nous sommes arrivés au centre-ville de Timisoara au petit jour. Nous avons pris deux chambres dans le principal hôtel du centre ville, l’hôtel Continental. Nous nous sommes retrouvé dans le hall. Ce photographe revenait de Beyrouth où il avait fait des photos pendant quelques mois. Je le trouvais un petit peu arrogant. Au moment de sortir dans la rue où des tanks passaient, où on entendait toujours pas mal de coups de feu, je lui ai dit : « écoute tu prends à droite et je prends à gauche et on se retrouvera tout à l’heure ». J’ai remonté la rue sur à peu près deux-cents mètres. Il y a eu un échange de coup de feu assez vif. Un soldat qui était au coin d’une rue m’a fait signe de me serrer derrière lui. Quand les tirs ont cessé, je suis rentré dans cette rue étroite, assez obscure, un peu comme une crevasse. Il y avait des soldats accroupis derrière un camion. J’ai couru vers eux, je me suis accroupi et j’ai fait deux ou trois photos. Les soldats regardaient vers le haut des toits pour essayer de comprendre d’où cela pouvait venir. Ils sont remontés assez vite dans leur camion de transport de troupe. J’ai voulu les suivre mais leur officier (ou leur sous-officier) n’a pas voulu. Voilà. J’ai envoyé le soir même mes premiers films à mon agence qui était l’agence Gamma. C’est à dire que j’ai confié à un passager mes pellicules depuis l’aéroport de Belgrade. Ces photos ont été choisis à Paris, et lorsque je suis rentré cinq à six jours plus tard j’ai vu qu’une de ces photographie avait été publiée en double page dans Paris Match en couverture de Stern et dans d’autres journaux. J’ai donc découvert cette photographie qui finalement me donne à penser que (hésitation) plus que être auteur ou sujet des photographies finalement nous en sommes toujours en premier lieu les spectateurs. Encore aujourd’hui je ne sais pas si je suis l’auteur de cette image, du moins je travaille les conditions qui pourraient me permettre d’accepter d’en être l’auteur.
Rémy: Quelle était la légende de cette photo dans la presse française et internationale?
Gilles: La légende de Paris Match était une légende assez longue écrite par quelqu’un assis à un bureau et qui se projette dans les images qu’il reçoit. Ça commençait par : « Pour ces soldats si jeunes la terreur vient des toits » indiquant que les coups de feu dont ces soldats étaient victimes étaient des membres de la Securitate dont le massacre aurait été l’ultime spécialité, je me souviens de cette formulation : « la Securitate dont le massacre est l’ultime spécialité ». (pause) Etrange mélange que ces deux mots : ultime, spécialité.
Sabine : Et cela ne t’a pas aussi fait penser à autre chose ?
Gilles : Quoi donc ? La légende ?
Sabine : Oui l’idée qu’un régime de terreur au moment de se retirer commet des massacres, se sachant perdu.
Gilles : Le problème, c’est que le massacre ou plutôt la centaine de civils qui ont été tués à Timisoara ont été tués par ces même soldats, ceux-là qui figurent sur cette photographie et qui sont présentés comme des « victimes » des coups de feu. Ce sont eux qui les jours précédents tiraient sur la foule désarmée, alors que personne n’a jamais aperçu les membres de la Securitate désignés par la légende.
Rémy : Est-ce que ce corps d’armée que tu as photographié était composé des mêmes soldats que ceux de la Securitate ?
Gilles : Pas du tout. Ces soldats étaient de jeunes soldats, inexpérimentés, terrorisés mais néanmoins coupables d’avoir tiré sur la foule les jours précédents.
Sabine : Et quand tu es rentré à Paris tu as pu en parler publiquement ?
Gilles : Quand je suis rentré à Paris je n’éprouvais aucun trouble par rapport à cette image dans la mesure où je ne me souvenais pas très bien de l’avoir faite. D’autres l’avaient choisis pour moi et l’image partout publiée me valait l’estime de tous au sein de mon agence et à l’extérieur. Cette image me propulsait comme photographe de news international. Mon statut a radicalement changé par le truchement de cette image.
Rémy : Au mois de décembre 2011 je suis allé à Santiago du Chili. Sur place, j’ai regardé sur YouTube des films de l’attaque du 11 septembre 1973 par Pinochet sur le Palais de la Moneda. Puis je me suis rendu Place de la Moneda où j’ai essayé de voir comment les avions avaient pu bombarder, quelle place les soldats avaient pu utiliser pour opérer leur coup d’état. D’une certaine manière je suis allé en pèlerinage sur cette place.
Gilles : Qu’est-ce que tu entends par la place des soldats ?
Rémy : J’étais étonné de voir combien la place qui est en face du Palais de la Moneda est étroite. Elle doit avoir la taille de la place du Capitole à Toulouse. Pourtant elle a été le théâtre de combats très violents. Je n’arrivais pas à remplir cette place de chars, de soldats mitraillant et d’avions survolant et bombardant le Palais.
Gilles : Je suis souvent revenu dans cette rue Augustin Pacha où j’ai fait cette photo le 23 décembre 1989. A l’endroit où cette photo à été faite il y a un magasin de chaussures de sport qui a ouvert avec une devanture assez clinquante comme incrustée dans le mur. On voit encore quelques impacts de balles. Souvent je me tiens immobile à cet endroit et je regarde les gens passer.
Rémy : Est-ce que quelqu’un dans cette rue ou quelqu’un dans la ville de Timisoara veille à ce que les impacts de balle ne soient pas rebouchés ?
Gilles : Je crois que personne ne fait attention ni aux impacts de balles ni à l’état de dégradation des bâtiments.
Sabine : Etais-tu troublé par le fait que ta reconnaissance professionnelle et tout ce qui va avec a été dépendante d’un drame violent dont tu as tiré profit ?
Gilles : Oui l’actualité peut être effectivement le prétexte d’une ascension professionnelle. Au delà de cette question, je ne trouvais pas non plus beaucoup de sens à cette image. Elle image était là. Elle avait été publiée, mais encore aujourd’hui son sens reste à trouver. Pour autant je ne me verrais pas la brûler au dessus d’une gazinière. Elle est comme une arête de poisson que j’aurais ingurgitée. Je la recrache, je la ravale. Ce travail de digestion n’a pas de fin.
Rémy : Penses-tu qu’un exemplaire de cette image ou d’une autre prise en Roumanie pourraient se trouver dans un des cartons que tu entreposes dans la pièce d’à-côté ?
Gilles : Non. Les cartons qui sont dans la pièce d’à côté étaient les livres et les magazines que conservait mon père et parmi lesquels j’ai grandi. Je ne crois pas qu’il conservait mes parutions dans la presse. Par contre la qualité de lumière de cette rue Augustin Pacha, assez sombre, assez étroite, ressemble à beaucoup d’endroits où j’ai fait des photographies comme la rue de Shakari Bazar au Bangladesh. Je pense que je me sens à l’aise dans ce type de crevasse aussi parce que j’ai longtemps circulé enfant parmi des montagnes de cartons de chaque côté des murs.
Sabine : Il faisait froid le 11 septembre 2011 ?
Rémy : Où donc ?
Sabine : A Santiago du Chili, c’est ça ?
Rémy : Le 11 septembre 2011 j’étais à Berlin et il y faisait chaud je pense. Par contre en décembre 2011 à Santiago du Chili, il faisait très chaud. Et je n’ai vu aucun impact de balle sur cette place et aucune possibilité de circuler librement sur la place parce qu’il y avait beaucoup de gardiens devant le Palais. Devant la porte du Palais, il me semble que la place est pavée et un certain nombre de plots métalliques dessinent au sol une langue ou une montagne, ce qui fait que seules les voitures officielles peuvent circuler. Au sommet de cette montagne dessinée à plat il y a une ligne de mats sur lesquels flotte le drapeau chilien, rouge, blanc et bleu avec une étoile.
Sabine : C’est quoi une ligne de main ?
Rémy : Pardon ?
Sabine : Une ligne de main.
Rémy : Une ligne de main ?
Sabine : Ce n’est pas ce que tu as dit ?
Rémy : Non une ligne de mats, des poteaux blancs.
Sabine : OK. Et les gens qui vous ont hébergé à Timisoara, as-tu essayé de les revoir ?
Gilles : Non. Je ne me souviens plus du tout où c’était, je n’ai gardé aucun souvenir d’eux mais il est possible que ce soir là ils nous aient sauvé la vie.
Rémy : Est-ce que tu pourrais nous décrire le visage ou la tenue vestimentaire, du passager du vol Belgrade – Paris à qui tu as confié tes pellicules ?
Gilles : Je crois que j’avais donné mes pellicules à un collègue photographe qui s’est chargé de « faire ce premier passager ».
Rémy : Est-ce que ces passagers sont rémunérés par l’agence ?
Gilles : Du tout, non il s’agissait seulement de leur expliquer qu’un motard de l’agence viendrait à la sortie pour récupérer les films. Il fallait aussi décrire à l’agence assez précisément ces passagers pour que le motard puisse les identifier facilement. On choisissait des gens qui inspiraient confiance et peut être avec quelque chose d’assez caractéristique.
Rémy : De la confiance ?
Gilles : Oui de la confiance, le fait de confier ce type de pellicules à quelqu’un avant même qu’elles ne soient développées.
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Retranscription de la discussion publique du 14 septembre 2012 à 14h
Rémy : Au mois de décembre 2007, j’ai reçu pour noël un livre de Marguerite Duras intitulé «les cahiers de la guerre». Parmi les textes compilés dans ce livre, il y a un texte dans lequel elle se trouve en compagnie de Elio Vittorini et sa femme, Robert Anthelme et quelques autres personnes dont j’ai oublié le nom. Ce petit groupe marche en bord de mer en Italie : il y a beaucoup de vent, la mer est déchainée. Au fur et à mesure de la promenade, Robert Anthelme se détache du groupe vers l’arrière, veut s’isoler si bien que les autres comprennent qu’il va aller se baigner dans cette mer démontée et froide. Ils conviennent entre eux de ne rien lui dire, de ne surtout pas lui dire que c’est trop dangereux, pour qui se prendraient-ils de dire à Robert Anthelme qu’une chose est trop dangereuse pour lui. On voit Robert Anthelme nager dans la mer démontée, tout chétif. Depuis la lecture de ce texte, j’ai très souvent eu envie de me baigner dans la mer en hiver ou dans des rivières froides en hiver aussi mais je ne l’ai jamais fait. J’aimerais bien avoir ce courage mais je le remet à plus tard.
Laurent : Est-ce que dans le texte de Marguerite Duras il est précisé que cela se passe en hiver ou bien c’est toi qui a exacerbé la prise de risque dans une mer démontée ?
Rémy : Je suis certain que le texte mentionne que la mer est démontée, ce dont je suis sûr aussi c’est que c’est en été, parce que les pages qui suivent racontent des histoires de dune, de soleil trop chaud. Mais comme je l’ai lu en hiver, je le préfère en hiver.
Gilles : Est-ce que tu as failli le faire ?
Rémy : En hiver, en 2009 à Pont-Aven lors d’une résidence d’artiste, j’ai souvent eu envie de sauter dans l’Aven, pas pour nager mais pour me laisser flotter jusqu’à l’océan, mais je ne l’ai jamais fait.
Gilles : Qui auraient été les personnes avec toi si tu l’avais fait ?
Rémy : Guillaume Robert et Eric Yvelin avec qui j’étais en résidence.
Laurent : Si tu l’avais fait aurais-tu prolongé la situation originale du texte de Marguerite Duras, à savoir t’isoler derrière, te concentrer avant de plonger ?
Rémy : J’aurais choisi la bonne marée.
Gilles : Est-ce que la mer se visite ? Est-ce que la montagne se visite ?
Rémy : Je me demande si l’invention du scaphandrier n’est pas un outils pour visiter la mer. De la même manière que les chaussures en cuir et les bonnets sont des outils pour visiter la montagne.
Gilles : As-tu relu ce livre ? Ou l’as-tu lu simplement une seule fois ?
Rémy : Il y a quelques semaines je voulais absolument retrouver ce passage et je dois dire que l’ai relu et qu’il ma beaucoup déçu.
Gilles : Est-ce que tu as retrouvé le passage ?
Rémy : J’ai retrouvé quelques lignes mais ma mémoire avait condensé tout le meilleur en quelques pages.
Laurent : Ta déception est due au fait que tu n’as pas eu la même émotion en lisant le texte pour la deuxième fois parce que tu n’as pas retrouvé l’élan sensible de ta première lecture ou bien parce que littérairement d’un seul coup tu ne trouvais plus ton compte ?
Rémy : Je pense que c’est littéraire, parce que ce passage se trouve vers la fin du livre et j’ai parcouru cent cinquante pages pour y arriver alors que là j’ai feuilleté très vite comme on feuillèterait un livre d’image. Je l’ai repéré, je me souvenais très bien que c’était sur une page de droite.
Laurent : En avril 2000, lors d’un séjour à Berlin j’ai décidé d’aller visiter le camp de concentration d’Oranienburg puisque j’avais commencé quelques années auparavant une étude universitaire sur la question de la Shoah à travers l’art contemporain. J’étais chargé de trois ou quatre années de lectures intenses, en particulier des témoignages de rescapés et ma visite au camp d’Oranienburg a été très décevante. De part toutes les images emmagasinées, les sensations, les imaginations, les souffrances, je m’attendais à pouvoir projeter toutes ces informations dans la visite de ce camp. Je me suis trouvé face à un lieu non aménagé avec seulement quelques petits aménagements voulu par les autorités de l’époque mais qui m’ont sans doute dans cette déception aidées à investir et à comprendre ce que c’est que la mémoire plutôt que l’histoire. C’est à dire : « qu’est ce que je suis aujourd’hui, qu’est-ce que j’amène aujourd’hui dans un site pour lequel je suis venu rencontrer un passé ? »
Rémy : As-tu fait cette visite seul ?
Laurent : J’étais seul à faire le voyage. J’y allais pour moi même et par moi-même, je ne me rappelle pas d’avoir rencontré quelqu’un lors de cette visite. C’était l’époque où il n’était pas encore aménagé et ou l’accueil était fait par une petite guérite vitrée dans laquelle était exposé dans une multiplicité de langue des prospectus, une bibliographie à propos de ce camp.
Gilles : Combien de temps as-tu passé sur ce site ?
Rémy : Est-ce que tu as mangé sur place ?
Laurent : Je n’ai aucun souvenir physique ou de sensation précise. Je me rends compte que le souvenir de cet espace et de ce temps passé sur ce site a pris plutôt l’aspect d’une construction intellectuelle réflexive sur des questions abstraites.
Gilles : Est-ce que tu te souviens de l’ordre de ton déplacement ? Qu’est-ce que tu as vu ?
Rémy : D’abord Pont Aven qui ressemble à un village de campagne puis lorsqu’on chemine sur les bords du fleuve puisque c’est un fleuve on suit les méandres et on se retrouve très vite dans une forêt de pin et on arrive à la mer. Tout ça en quelques centaines de mètres : quand on est dans Pont Aven on a aucune idée que l’océan est à sept kilomètres et pourtant la marée a une influence sur la rivière dans le centre de ce petit village, c’est très étonnant.
Laurent : Pourquoi dit-on qu’une mer est démontée ?
Gilles : Le mot « visite » n’est-il pas étrange ? Est-ce que tu as visité Oranienburg comme tu aurais visité la basilique Saint Pierre ou le musée du Louvre ?
Laurent : Je pense que j’ai été pris dans deux aspects de la notion de visite. Peut être une plus intime à savoir venir re-connaître des choses que j’avais pu lire, voir entendre sur un site qui avait porté ces faits historiques et puis la visite telle qu’elle m’était demandée, guidée par l’installation même minime mais l’installation muséographique qui commençait de se faire puisque depuis 1945 ce site a vécu différents aménagements lié à une réutilisation du camp. Mais aussi petit à petit la construction de ce que l’on appelle une muséographie et qui guide les gens qui viennent le visiter. Et peut être que la déception première est liée à ce décalage d’intention.
Rémy : Tout autour d’Oranienburg il y a beaucoup de lacs dans lesquels on peut se baigner l’été. Je m’y suis baigné l’été dernier. Sur la route du retour vers Berlin on croise beaucoup de stands de primeurs, on peut s’arrêter manger des fraises et d’autres fruits de saison. Ces lacs m’ont fait penser à d’autres lacs au fond desquels il y a des cendres. A Auschwitz il y a des cendres au fond des lacs. Je ne sais pas s’il y en a aussi au fond des lacs autour d’Oranienburg, mais la terre semble fertile.
Laurent : Dans la peur de Marguerite Duras et de ses amis, vis à vis de Robert Anthelme, y avait-il un soupçon que ce jet dans la mer démontée puisse être un suicide ?
Rémy : J’y ai pensé. Je crois que si je ne l’ai jamais fait à Pont Aven par exemple, en plein hiver tout habillé, c’est que je n’aurais pas voulu que l’on pense que je me jetais à l’eau pour en finir, alors que je me serais jeté à l’eau pour le plaisir.
Laurent : Si tu as pensé de manière négative à ce que l’on aurait pu penser de toi, as-tu construit un autre scénario fantasmatique vis-à-vis des gens qui auraient pu te voir ou auraient eu vent de cet événement ?
Rémy : Non je ne crois pas.
Gilles : Y avait-il beaucoup de monde sur ce site d’Oranienburg quand tu l’as visité ?
Laurent : La première fois, je ne m’en rappelle plus j’ai l’impression de m’être isolé. La deuxième fois, il y a un an il été organisé. Des groupes circulaient avec des audioguides ou avec des guides extérieurs au camp ou employé par le camp lui-même. J’y allais pour d’autres raisons et je pouvais analyser la présence de ces personnes et comment elles étaient manipulées. Je pense que je n’ai voulu retenir de ma visite qu’un isolement nécessaire, peut être pour en finir, ou tout du moins pour affronter mes fantasmes démontés.
Rémy : Qu’entend-on dans cet audioguide ?
Laurent : Je ne l’ai pas écouté.
Rémy : Pourquoi ?
Laurent : Parce que je venais avec une amie cinéaste et une de ses amie qui faisait du son, l’idée étant de faire une interview dans le camp.
Rémy : Et cela empêche de prendre un audioguide ?
Laurent : Le dispositif et le temps que nous avions, ne nous permettait pas de nous intégrer à ce que le camp demandait.
Rémy : Donc vous avez tourné un film qui avait pour décor le camp d’Oranienburg ?
Laurent : Qui avait pour sujet le camp d’Oranienburg.
Rémy : Vous étiez à l’intérieur des murs du sujet.
Laurent : Mais aussi autour puisqu’ils sont en train de continuer l’aménagement et de mettre en reconstruction certains logements SS qui bordaient le camp.
Rémy : Si ces logements étaient transformés en hôtel voudrais-tu y passer la nuit pour tourner un film ou te reposer ?
Laurent : Etais-tu à l’hôtel quand tu étais à Pont-Aven ?
Rémy : Non, j’étais dans les logements d’artiste de la mairie.
Laurent : Interroges-tu toujours les lieux où tu loges en terme d’histoire ou de mémoire ?
Gilles : Combien de fois peut-on visiter Oranienburg et combien de fois penses-tu y retourner ?