Vendredi 6 juillet, 10h-18h
Colloque Action! Painting/Publishing!
Entrée libre, sur réservation à reservation@leslaboratoires.org et au 01.53.56.15.90
En passant en revue l’abondante presse culturelle et artistique au plus fort du processus de décolonisation et l’émergence d’une conscience tricontinentale, on ne peut s’empêcher d’en reconnaître la diversité contradictoire, émaillée de ruptures, d’incohérences, d’engagements auto-assignés ou d’opinions plus ambigües. Au premier plan des discours anticolonial et anti-impérialiste, la cartographie fraîchement revisitée des espaces et États-nations dans les années 1950 et 1960 fut révélée à travers un paysage éditorial complexe, traversé de trajectoires artistiques et intellectuelles exceptionnelles. Un groupe de recherche composé de Lotte Arndt, Pascale Ratovonony, Fanny Gillet-Ouhenia, Mihaela Gherghescu, Olivier Hadouchi, Susanne Leeb et Cédric Vincent a été réuni à l’initiative de Marion von Osten à l’automne dernier, afin de documenter et travailler à la recherche en cours portant sur ces centres hétérogènes et interconnectés où la presse magazine a joué un rôle pivot, presse dont ils questionnent la production dissonante, sous différentes perspectives culturelles. Ce sera l’occasion d’ouvrir un débat critique et ouvert : «Action! Painting/Publishing!», le 6 juillet, suivi d'une projection de films le 11 juillet et de l’ouverture d’un espace de recherche présentant une collection de numéros de ces publications et magazines des années 1960 et 1970 (jusqu'au 13 juillet).
Avec: Lotte Arndt (Paris 7 Denis Diderot - Humboldt University Berlin), Teresa Castro (Paris 3 Sorbonne Nouvelle), Mihaela Gherghescu (CRAL-EHESS), Fanny Gillet-Ouhenia (CHSIM-EHESS), Olivier Hadouchi (Paris 3 – Sorbonne Nouvelle), Susanne Leeb (Freie Universitat, Berlin), Alain Messaoudi (CHSIM – EHESS), Pascale Ratovonony (Paris 1), Cédric Vincent (Ceaf – EHESS) et Marion von Osten (artiste, commissaire, Berlin)
PROGRAMME
10h Mot de bienvenue par Natasa Petresin-Bachelez (5 min) // Introduction par Marion Von Osten (20 min) - en anglais
10h30 Adversial decolonisation: The first decade of Présence Africaine: présentation par Lotte Arndt (20 min) suivie d'une discussion (20 min) // Présentation par Cédric Vincent (20 min), discussion (20 min) // Présentation par Pascale Ratovonony (20 min ), discussion (20 min)
12h30 Déjeuner
14h Présentation par Mihaela Gherghescu (20 min), discussion (20 min) // Présentation par Fanny Gillet-Ouhenia (20 min), discussion (20 min) // Présentation par Olivier Hadouchi (20 min), discussion (20 min)
18h Ouverture de la Research Room // Visite guidée par Marion Von Osten et les chercheurs
PARTICIPANTS
Lotte Arndt (Paris 7 Denis Diderot - Humboldt University Berlin)
Lotte Arndt travaille sur une thèse qui retrace le déplacement des stratégies discursives dans les revues culturelles parisiennes portant sur l'Afrique (à partir de 1947, date de création de la revue Présence Africaine). Elle étudie quelles stratégies de décolonisation sont utilisées et adoptées dans un contexte qui se reconfigure: partant des luttes anticoloniales, les coordonnées se sont déplacés vers une immanence globalisée, l'absence de l'extérieur qui marque l'ère postcoloniale, comme l'a constaté Édouard Glissant. La thèse étudie à l'exemple de problématiques choisies jusqu’à quel point une perspective généalogique peut informer une lecture des publications contemporaines; en dirigeant le regard notamment sur les obstacles et les rebondissements dans les stratégies de représentation esthétique. L'interrogation de la période des années 1950-1960 semble cruciale pour comprendre les absences et les blocages qui s'avèrent puissants aujourd’hui. En collaboration avec le groupe berlinois artefakte//antihumboldt, elle poursuit en outre un travail sur l’inconscient colonial dans les collections des musées ethnographiques.
Mihaela Gherghescu (CRAL-EHESS)
Après avoir écrit sur la figure d’Isidore Isou dans les avant-gardes tardives, Mihaela Gherghescu finit une recherche doctorale en histoire de l’art et esthétique sur les langages inventés par les artistes dans l’espace français après 1945. Son étude se concentre sur l’invention linguistique comme phénomène polymorphe, tout en interrogeant le motif récurrent du «nouveau langage» à la fois comme une forme de rupture mais aussi de continuité avec des modèles modernistes/avant-gardistes, mais aussi comme la forme d’une «traduction impossible». Au beau milieu du tournant linguistique et communicationnel des années 1960 (sémiotique, cybernétique, psychanalytique), imaginer un nouveau langage devient le lieu d’une rencontre de pratiques transdisciplinaires, transgressives qui, au-delà des lectures esthétisantes, sont politiquement extrêmement engagées. En parallèle, elle s’intéresse à la presse artistique des années 1950-1960 et aux modulations contextuelles qu’elle implique, non pas dépourvues de confrontations paradoxales ou de constructions historiques discrépantes. Son intérêt porte sur la relation entre la presse officielle et les productions de la contre-culture. Elle a écrit sur Isidore Isou, André Cadere, Wim Delvoye et l’art contemporain roumain. En 2012 elle a été la commissaire de la 4ème édition de la Biennale des Jeunes Artistes, Bucarest
Fanny Gillet-Ouhenia (CHSIM – EHESS)
Fanny Gillet-Ouhenia travaille sur une recherche doctorale en anthropologie sociale et culturelle à l’Ecole des Hautes Etudes en Science Sociales, Centre d'histoire sociale de l'Islam méditerranéen. En 2011 elle a été la boursière du programme «Recherche et Mondialisation» du Centre Pompidou. Son sujet interroge les origines de la modernité et le régime de l’image dans la création artistique algérienne après l’indépendance. Sa recherche transversale se concentre sur la production artistique algérienne entre l’obtention de l’indépendance et la mort du président Boumedine après un long processus d’apprentissage et d’adoption de l’art européen, d’adaptation du modèle occidental et d’une nouvelle étape qui rompt avec la quête identitaire dans un contexte globalisé. Elle analyse les manières dont les notions de modernité (hadata) et d’authenticité (asala) se sont articulées après la deuxième guerre mondiale dans le travail d’artistes de la génération née dans les années ’30 et dans l’œuvre des intellectuels luttant pour l’affirmation d’un art contemporain algérien. Elle essaye de comprendre la complexité de ce processus historique et la manière dont le concept de modernité a pu fonctionner dans une Algérie sous domination. Le contexte collectif qui détermine l’individuation artistique semble être le facteur principal dans la naissance d’une peinture algérienne autonome. Questionner le modèle devient hautement compliqué dans des relations de domination. Après le gain de l’indépendance, les éléments «occidentaux» sont devenus problématiques pour certains artistes, mais il faut reconnaître que le couple émulation/répulsion n’aurait pas pus se former en dehors du violent système souverain colonialiste. Sa recherche interroge aussi le statut de l’image et de sa manipulation, des créateurs et des constructions historiques.
Olivier Hadouchi (Paris 3 – Sorbonne Nouvelle)
Il vient d’achever une thèse de doctorat à Paris 3 – Sorbonne Nouvelle sur «Le cinéma dans les luttes de libération: genèses, initiatives pratiques et inventions formelles autour de la Tricontinentale (1966-1975)». Née de la conférence de l’OSPAAAL (l’Organisation de Solidarité des Peuples d’Asie, d’Afrique, et d’Amérique Latine) à la Havane en 1966 et d’une volonté de coordonner les mouvements de libération du tiers-monde, la constellation tricontinentale trouve ses sources dans l’œuvre théorique et pratique de Franz Fanon, Ernesto Guevara, Ho Chi Minh ou Mehdi Ben Barka, tandis que des revues comme Partisans, Révolution africaine, Tricontinental (avec ses célèbres posters créés par des artistes cubains) – certaines furent éditées en France par François Maspero – popularisent leurs idées. Et il s’agissait de créer un corpus cohérent de films axés sur les luttes de libération, tournés par des cinéastes tels que Fernando Solanas, Glauber Rocha, Mario Handler, Ugo Ulive, Santiago Àlvarez, Yann Le Masson, René Vautier, José Massip, Mohand Ali Yahia, Ahmed Rachedi… Des films très inventifs (souvent tournés dans des circonstances difficiles), parfois accompagnés de riches productions théoriques («Manifeste pour un cinéma parallèle», «Vers un troisième cinéma», «Pour un cinéma imparfait»). Olivier Hadouchi a notamment écrit sur «La mémoire des luttes contre
les dictatures dans le Cône Sud» (L’ordinaire latino-américain, 2010), sur «Festival Panafricain d’Alger» (Third Text, 2011) et les «Caméras pour l’indépendance algérienne» dans le catalogue «Vies d’exil» coordonné par Benjamin Stora et Linda Amiri (à paraître chez Autrement en septembre 2012). Il a présenté plusieurs films tels que L’heure des brasiers dans le cadre du cycle «Argentine expérimentale et politique» au Centre Pompidou, Qué Hacer? et Le Sahara n’est pas à vendre au Cinéma du réel à l’invitation de Nicole Brenez de 2010 à 2012. Et il a programmé le cycle «Éclats et soubresauts d’Amérique latine» pour le BAL en 2012, et participé à plusieurs tables-rondes autour des cinémas militants et engagés (Musée du Quai Branly, Fondation Serralves invité par Mathieu Abonnenc dans le cadre de son
exposition, «Fanon et après?»pour l’Université Américaine de Paris).
Susanne Leeb (Freie Universität, Berlin)
Historienne de l’art, Susanne Leeb travaille dans le Collaborative Research Center "Aesthetic experience and the dissolution of artistic limits" à la Freie Universität Berlin. Elle se focalise sur les problèmes de l’abstraction et la critique du modernisme dans l’art contemporain. Beaucoup de discours artistiques contemporains critiquent l’abstraction et les langages visuels abstraits du modernisme tout aussi bien que la violence de leur prétention universalisante. En meme temps ces discours memes récourent aux langages abstraits ou semi-abstraits. La théorie de Kobena Mercer sur l’abstraction diasporique, «impure», discrépante des années 1940-1950 sert ici comme modèle heuristique pour interroger les conséquences de l’abstraction moderniste et les manières dont elle construit la subjectivité. Le projet de recherche analyse les travaux de réappropriation du langage visuel avant-gardiste (Nasreen Mohamedi), de lui donner corps (Tamar Getter), l’utiliser dans des contextes de critique économique (Fareed Armaly), le combiner avec d’autres mediums comme le film ou la photographie (Florian Pumhösl), ou développer des formes d’une abstraction relationnelle à partir de procédures diagrammatiques (Ricardo Basbaum). Susanne Leeb a travaillé
aussi sur la peinture dans l’Allemagne d’après la deuxième guerre mondiale, notamment l’informel. Sa recherche doctorale «L’art des autres dans le discours de l’historiographie artistique de 1900» essayait de comprendre comment la nouvelle discipline de l’histoire de l’art a abordé la question des arts primitifs comme bases de sa propre constitution, à la fois inclusive et exclusive. Elle s’intéresse aux questions postcoloniales liées aux musées des cultures indigènes (le cas du Humboldtforum, Berlin).
Pascale Ratovonony (Paris 1 - Panthéon Sorbonne)
Ancienne élève de l'ENS de la rue d'Ulm, elle enseigne l’histoire de l’art à l’Ecole Supérieure d’Art de Biarritz-les Rocailles. Elle rédige en 2003-2004, sous la direction d'Issiaka Mandé (Paris VII), une maîtrise d'histoire sociale portant sur les transformations de la paysannerie burkinabé au moment de l’Indépendance. Après un D.E.A. consacré en 2005 à l’examen de la notion d’art contemporain africain, elle termine actuellement sa thèse de doctorat en histoire de l’art sous la direction de Philippe Dagen (Paris I) : L’image invisible. L’engagement artistique face à la décolonisation en France et au Sénégal des années 1950 aux années 1980.
Cédric Vincent (Ceaf – EHESS)
Cédric Vincent a obtenu son titre de docteur en anthropologie sociale après un travail sur l’art contemporain africain vu à travers la figure de Frédéric Bruly Boaubré. Il mène une investigation sur les processus de provincialisation/dé-provincialisation des scènes artistiques au cœur du travail des artistes. Il a dirigé un séminaire sur les manifestations artistiques africaines modernes et contemporaines. Il écrit régulièrement dans Springerin, Sarai Reader, Politique Africaine, art press... et contribue aux catalogues Raqs Media Collective: the Kd Vyas Correspondence, Manifesta 7, Africa Remix... Il a récemment coordonné un numéro spécial d’Africultures sur les Biennales et les Festivals en Afrique. Actuellement il travaille avec Dominique Malaquais sur une série DVD de films expérimentaux (ed. Lowave)
Marion Von Osten (artiste et commissaire, Berlin)
Marion von Osten est artiste, écrivaine et curatrice. Son travail se concentre sur la production culturelle dans les sociétés post-coloniales, les technologies subjectives et la gouvernance des mobilités. Elle est membre fondatrice de Labor k3000, kpD-kleines post-fordistisches Drama, et du Center for Post-Colonial Knowledge and Culture, Berlin. Depuis 2006 elle enseigne à l’Académie de Beaux-Arts de Vienne. Entre 1999 et 2006, elle a été professeure et chercheure de l’Institute for the Theory of Art and Design, ZHdK, Zürich et entre 1996 et 1998, curatrice du Shedhalle Zürich. Ses projets récents incluent: In the Desert of Modernity – Colonial Planning and After, Haus der Kulturen der Welt, Berlin et Abattoirs, Casablanca, 2008-2009; reformpause, Kunstraum of the University of Lüneburg, 2006; Projekt Migration (avec Kathrin Rhomberg) et TRANSIT MIGRATION, Cologne, 2002-2006; Atelier Europa, Kunstverein München, Munich, 2004; Be Creative! The Creative Imperative!, Museum for Design, Zurich, 2003. Parmi ses publications: The Colonial Modern (avec Tom Avermaete et Serhat Karakayali, 2010), Das Erziehungsbild (avec Tom Holert, 2010); Projekt Migration (avec Aytac Eriylmaz, Martin Rapp, Kathrin Rhomberg et Regina Röhmhild, 2005); Norm der Abweichung [Norm of Deviation] (2003); et MoneyNations (avec Peter Spillmann, 2003).
Colloque "Action! Painting / Publishing!"